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En suivant la destinée d’un chien changeant plusieurs fois de maître, Todd Solondz dresse un portrait grinçant de ses congénères. Avec le film à sketches "Le Teckel", le cinéaste se fait parfois plus tendre. Mais le sordide n’est jamais loin.

Si Todd Solondz a choisi de nommer sobrement son septième long-métrage "Le Teckel", c’est parce que le teckel en question n’a pas de nom. Ou plutôt en a-t-il plusieurs, son état civil – si on ose dire – changeant selon le bon vouloir de ses propriétaires successifs. Aussi la pauvre bête se fera-t-elle tour à tour appeler "Saucisse", "P’tite crotte" ou encore "Cancer". Cela en dit long sur l’état d’esprit des personnages qui ont eu, un temps donné, la charge du brave toutou.

Dans sa vie, "Saucisse", "P’tite crotte" ou "Cancer" – on ne sait comment l’appeler – a connu au moins quatre maîtres. Il y a d’abord Remi (Keaton Nigel Cooke), petit garçon tout juste sauvé d’un cancer. Vient ensuite une trentenaire neurasthénique en quête d’aventures et de compagnie (Greta Gerwig, incontournable égérie du cinéma indépendant américain), puis un scénariste raté (Danny DeVito) et enfin une grand-mère acariâtre (Ellen Burstyn), dont la fin s’annonce proche.

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Quatre maîtres donc comme autant d’âges de la vie d’un homme ou d’une femme entre lesquels le chien fait ici office de trait d’union (enfant, adulte, pré-retraité, vieillard). "Le Teckel" s’inscrit ainsi dans la lignée des films ayant un animal pour fil conducteur narratif. L’idée étant de suivre la destinée d’une gentille bébête pour mieux observer les comportements, souvent peu reluisants, des humains. Avec "Au hasard Balthazar", que Todd Solondz cite comme référence, le Français Robert Bresson initia le genre en faisant d’un âne le témoin supplicié des vices humains. Plus récemment, Steven Spielberg s’est également adonné à l’exercice avec "Cheval de guerre" dans lequel il dépeint la folie auto-destructrice des hommes à travers les exploits d’un vaillant équidé lors de la Première Guerre mondiale.

L’entreprise de Todd Solondz est moins ambitieuse. Film à sketches en quatre temps, "Le Teckel" se cantonne quasiment à l’anecdotique pour dresser le portrait grinçant d’Américains moyens aux prises avec leur solitude et leurs névroses. Comme toujours chez Solondz (à qui l’on doit notamment "Bienvenue dans l’âge ingrat" ou les dérangeants "Happiness" et "Dark Horse"), l’humour est noir et le rire jaune, le sordide tapi dans l’ombre, toujours prêt à surgir là où on ne l’attend pas.

Car sous ses airs badins de petit chien tranquille, "Le Teckel" mord souvent sans crier gare. Comme lorsque la mère du petit Remi (Julie Delpy) entreprend de calmer les angoisses de son fiston en lui racontant une histoire de viol canin aux relents racistes. Ou lorsqu’un jeune héroïnomane (Kieran Culkin, le frère cadet de Macaulay) profite d’une banale pause cigarette pour annoncer à son frère trisomique la mort de leur père alcoolique. "Le Teckel" louvoie ainsi entre bouffonnerie et tragique, cultivant l’art de ce que Todd Solondz qualifie lui-même de "comédie du désespoir".

En jouant la corde du décalage quasi-permanent, le film finit par saborder ses moments de grâce. Difficile en effet de ne pas voir derrière chaque scène un mauvais coup qui se profile. Dommage car "Le Teckel" est loin d’être le plus sombre des films de Solondz. Entre deux vacheries balancées à la figure de ses congénères (notamment les jeunes étudiants en cinéma et les artistes contemporains qu’il se plaît à décrire comme des imbéciles satisfaits), Solondz peut faire preuve de tendresse à l’égard de ses personnages. On aurait aimé être davantage touché, par exemple, par la dernière partie du film où, dans une scène féérique, une vieille dame abandonnée à son sort de mourante fait le bilan de sa vie en énumérant tous les chemins qu’elle n’a pas pris. La séquence est fantastique mais à peine s’y laisse-t-on prendre que le film retombe dans le trivial le plus glauque. Todd Solondz ne ménage personne. Pas même ses spectateurs.

-"Le Teckel" de Todd Solondz, avec Greta Gerwig, Danny DeVito, Julie Delpy, Zosia Mamet… 1h30