
Le quinzième patriarche de l'Église orthodoxe russe, Alexis II, est décédé près de Moscou à l'âge de 79 ans. Il avait été élu patriarche de Moscou et de toute la Russie le 7 juin 1990.
REUTERS - Le patriarche Alexis II, dignitaire conservateur qui a présidé à la renaissance de l'Eglise orthodoxe russe après l'effondrement du communisme, est décédé vendredi à l'âge de 79 ans.
Chef de cette puissante institution religieuse et proche du Kremlin, Alexis II est mort à sa résidence de Peredelkino, ancienne "cité des écrivains" soviétiques située non loin de Moscou, a précisé un porte-parole du patriarcat de Moscou.
Le président russe Dmitri Medvedev, en visite officielle en Inde, a salué en lui "une personnalité religieuse mémorable" et a annulé un déplacement en Italie pour regagner Moscou.
"C'était un authentique berger, qui a donné toute sa vie un exemple de courage spirituel et d'action humaine empreinte de noblesse", a dit Medvedev à la télévision nationale. "Il a toujours été avec son troupeau, dans les temps de représailles comme dans la période de renouveau religieux."
Le Premier ministre et ex-président Vladimir Poutine, ancien espion communiste qui professe aujourd'hui sa foi orthodoxe, a parlé d'Alexis II comme d'un "grand homme d'Etat" qui avait "beaucoup fait pour la genèse d'un nouvel Etat russe".
L'Eglise orthodoxe n'a jamais commenté l'état de santé du patriarche. Selon des diplomates en poste à Moscou, il souffrait d'un cancer depuis un certain temps.
Signe de l'importance du personnage, la télévision nationale russe a immédiatement diffusé un documentaire qui retraçait les principales étapes de sa vie, accompagné de carillons.
De source ecclésiastique, on juge possible que le métropolite Juvénal de Kroutitsy et de Kolomna, l'un des plus anciens évêques de l'Eglise orthodoxe, en prenne la direction jusqu'à l'élection d'un nouveau patriarche dans les six mois.
Le Saint Synode se réunira samedi pour désigner un "locum tenens" (patriarche par intérim) parmi ses six membres permanents et six membres invités, et décider de la cérémonie funèbre d'Alexis II. Un synode élargi à l'ensemble des évêques de l'Eglise orthodoxe russe du monde élira ensuite un nouveau patriarche dans un délai de six mois à compter de ce vendredi.
Patriarche de Moscou et de toutes les Russies depuis 1990, Alexis II avait acquis une forte influence, dont témoigne le respect que lui vouait le Kremlin. Son passé et ses principes sociaux conservateurs prêtaient toutefois à controverse.
Après la chute de l'Union soviétique, il avait favorisé un renouveau religieux marqué par la construction de centaines de nouvelles églises, la réouverture de monastères et un regain des vocations dans les séminaires. Malgré les démentis de l'Eglise, il n'avait cependant pas dissipé les allégations qui le disaient lié au KGB, les services secrets soviétiques. L'Eglise orthodoxe russe est de loin la plus importante de l'orthodoxie chrétienne d'Orient, que le Grand schisme de 1054 a séparé de la chrétienté occidentale.
Défenseur des valeurs traditionnelles russes, Alexis II s'était opposé à l'Occident sur des questions comme l'homosexualité. Lors d'une visite en Europe de l'Ouest en 2007, il avait qualifié les homosexuels de pécheurs atteints d'une perversion comparable à la kleptomanie, en dénonçant un divorce entre la moralité et les droits de l'homme.
Le règne d'Alexis II a coïncidé en grande partie avec le pontificat de Jean Paul II. Après l'effondrement du communisme en 1989 et l'éclatement de l'Urss en 1991, les relations entre l'Eglise orthodoxe et le Vatican ont souffert du fait que la première accusait les catholiques de profiter de leur liberté nouvelle pour aller à la pêche aux âmes en Russie.
Le Vatican avait rejeté ces accusations mais le refroidissement devait persister, comme l'a illustré l'échec d'une tentative pour organiser une rencontre entre Alexis et le pape dans un endroit "neutre" tel que Vienne.
A Rome, le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens, a rendu hommage à Alexis II pour avoir redonné un élan vital à son Eglise après les sept décennnies d'athéisme de l'ère communiste.
Alexis Mikhaïlovitch Rediger était né le 23 février 1929 à Tallinn, en Estonie, dans la famille d'un prêtre orthodoxe russe d'ascendance allemande. Les pèlerinages familiaux sur les sites religieux de l'Urss d'alors devaient décider de son destin.
Il avait été ordonné prêtre en 1953 avant de devenir évêque de Tallinn et d'Estonie en 1961, puis métropolite de Leningrad et Novgorod en 1986.