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Littérature : Bob Dylan, un Nobel aux multiples facettes

Musicien, poète, peintre, homme d’engagement… En recevant le Nobel de littérature, Bob Dylan a une nouvelle fois surgi là où on ne l’attendait pas. Retour en chansons et en vidéos sur le parcours artistique et politique d’une icône insaisissable.

En 2007, dans son film consacré à Bob Dylan, le réalisateur américain Todd Haynes eut l’audace de faire jouer le musicien par six comédiens différents, parmi lesquels Cate Blanchett, Christian Bale et Richard Gere. Un traitement peu conventionnel du biopic qui visait à montrer qu’un artiste de son ampleur ne pouvait se contenter d’une seule vie. Auteur, compositeur, interprète, poète, peintre, homme d’engagement, icône folk, chantre du christianisme… le nom de Bob Dylan recouvre tant de facettes que l’homme en devient insaisissable. Le long-métrage de Todd Haynes s’intitulait d’ailleurs "I’m not there" ("Je ne suis pas là").

Soixante-quinze ans après sa naissance dans le Minnesota, Robert Allen Zimmerman – son nom à l’état civil –, est une nouvelle fois apparu où on ne l’attendait pas. Contre toute attente, il s’est vu décerner, jeudi 13 octobre, le prix Nobel de littérature, qu’aucun musicien n’avait encore reçu avant lui. Preuve, s’il en fallait encore, que l’auteur de "Blowin’ in the Wind" transcende le simple domaine de la musique. "C’est la chanson mais aussi la poésie de Bob Dylan qui est honorée. Il faut savoir que ses textes sont étudiés dans les universités américaines mais aussi ailleurs, rappelle à France 24 le chroniqueur littéraire Baptiste Ligier. C’est un homme de lettres représentatif d’une certaine contre-culture américaine, qui est aujourd’hui un peu institutionnalisée."

Du chanteur folk contestataire à la légende vivante de la culture populaire, retour en chansons et en vidéos sur les différentes vies du nouveau prix Nobel de littérature.

• Le vagabond

Né dans une ville minière du Minnesota, Robert Zimmerman grandit dans une famille de commerçants. Alors que son père fréquente le Rotary Club, lui s’éprend de musique. De rock’n roll plus précisément, dont il goûte l’anti-conformisme. Mais c’est arrivé à l’université qu’opère sa révélation artistique avec la découverte du chanteur et guitariste Woody Guthrie.

Avec une guitare et un harmonica comme seul bagage, Bob quitte alors la faculté pour rencontrer sa nouvelle idole à New York. Là-bas, le tout jeune musicien mène une vie de bohème rythmée par quelques prestations dans les clubs de la ville. Avec sa dégaine d’artiste vagabond, Dylan finit par s’attirer les faveurs d’un producteur avec qui il enregistre, en 1962, son premier disque. Parmi les titres de l’album : "Song to Woody" qui rend hommage à Guthrie, devenu entre-temps son ami.

• Le musicien folk

Dans les cabarets new-yorkais de ces années 1960 – immortalisés par les frères Coen dans le film "Inside Llewyn Davies" –, Bob Dylan ne met pas longtemps à se faire un nom. Mais davantage que son style musical aux accents folk, ce sont ses textes dans lesquels il fustige les injustices de son temps (le maccarthysme, les crimes racistes, etc.) qui séduisent la jeunesse contestataire. À ce titre, la chanson "Blowin’ in the Wind", sortie en avril 1962, devient l’hymne de toute une génération d’étudiants traumatisés par la guerre du Vietnam.

• Le défenseur des droits civiques

À l’instar de nombreux musiciens de cette époque, Bob Dylan s’engage en faveur de la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains. En 1963, il participe ainsi à la Marche sur Washington durant laquelle Martin Luther King prononça le célèbre "I have a Dream".

Jouissant d’une notoriété qui lui permet de contrôler le processus de production de ses albums, le musicien n’a de cesse de dénoncer les inégalités sociales et raciales aux États-Unis. Un engagement qu’il poursuivra jusque dans les années 1970 en militant pour la libération de Rubin "Hurricane" Carter, un boxeur noir accusé à tort d’un triple meurtre.

• Le prophète

Abandonnant peu à peu le chant contestataire, Bob Dylan amorce un virage rock très électrique, qui est très mal accueilli par ses fans. Malgré les appels de ses admirateurs à renouer avec la contre-culture, Bob Dylan, soudainement déguisé en cow-boy, se réfugie dans une country empreinte de nostalgie et de contes populaires.

Mais c’est sa conversion au christianisme à la fin des années 1979 qui va bouleverser le plus radicalement sa musique et son écriture. De cette période mystique restent des albums peu connus dans laquelle il raconte sa relation à Dieu. Au grand dam de ses fans et de ses collègues artistes…

• L’icône mondiale

Après des années de hauts et de bas, Bob Dylan entame dans les années 1980 une tournée mondiale au gré de laquelle il est censé rejouer ses standards de façon différente chaque soir. Mais la voix si particulière du songwriter supporte mal les assauts du temps. Bien qu’il fasse salle comble, ses prestations déçoivent bien souvent.

Côté studio, il faut attendre les années 2000 pour qu’il retrouve grâce aux oreilles des critiques. En 2015, "Shadows in the Night", son 30e album – uniquement constitué de reprises –, est encensé par la presse. Parallèlement, Dylan collectionne honneurs et distinctions : un documentaire réalisé par Martin Scorsese, le biopic de Todd Haynes, un prix Pulitzer de musique.

Ancien porte-voix d’une jeunesse en révolte, Bob Dylan finit même par entrer à la Maison Blanche où, en 2012, Barack Obama, qui se dit "grand fan", le décore de la "Presidential Medal of Freedom", la plus haute récompense civile des États-Unis. Un Nobel peut en cacher un autre…