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La décision polonaise d'annuler un contrat de 2,5 milliards d’euros portant sur 50 hélicoptères d’Airbus a provoqué l'ire de Paris. Un camouflet dont les causes sont plus politiques que commerciales.

On ne claque pas la porte au nez des hélicoptères Caracal d’Airbus comme ça. Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a rayé de son agenda un déplacement en Pologne prévu lundi 10 octobre, et le Président François Hollande ne se rendra pas non plus à Varsovie le 13 octobre. Deux gestes forts pour protester contre l’annulation par le gouvernement polonais d’un contrat de livraison de 50 hélicoptères Airbus estimé à 2,5 milliards d’euros, le 7 octobre.

Le désaccord commercial est donc en train de virer à la crise diplomatique entre la France et la Pologne. Varsovie a tenté durant le week-end de faire porter le chapeau à Airbus. Le constructeur européen n’aurait pas proposé de compensations industrielles suffisantes. En clair, les engagements pris par Airbus en termes d’investissements en Pologne pour contrebalancer le prix d’achat des 50 hélicoptères ne suffisent pas.

La politique du PiS ?

Paris est plus que dubitatif. La France soupçonne que l’arrivée au pouvoir du parti eurosceptique Droit et justice (PiS), en octobre 2015, a été fatale aux ambitions polonaises d’Airbus Helicopters.

Car c'est l’ancien gouvernement libéral de la Plateforme civique (PO) qui avait opté pour Airbus, au terme d’un appel d’offres en avril 2015. Les négociations avaient semblé bien engagées jusqu’aux élections législatives polonaises d’octobre 2015.

Le gouvernement de la Première ministre Beata Szydło issu du scrutin a ensuite soufflé le chaud mais surtout le froid sur ce méga-contrat, très important pour Airbus Helicopters, qui peine actuellement à garnir son carnet de commandes. Les autorités polonaises ont répété à plusieurs reprises à quel point ces hélicoptères étaient importants à leurs yeux, mais ont, en parallèle, multiplié les exigences compliquant les négociations, assure l’hebdomadaire Usine Nouvelle.

Ils ont ainsi, d’après le journal, demandé qu’Airbus réinjecte 100 % de la valeur du contrat en contreparties industrielles. Une demande exceptionnelle : pour un contrat important comme celui de la vente de Rafale à l’Inde, New Delhi a demandé des contreparties de 50 % seulement du montant de la transaction. Le groupe européen aurait aussi proposé une cinquantaine de projets d’investissement liés au secteur de l’aéronautique pour se voir demander en plus 50 autres projets sans rapport avec l’objet du contrat. Bref, Varsovie aurait, d’après les informations obtenues par l’Usine Nouvelle, tout fait pour décourager Airbus.

Faire plaisir aux États-Unis ?

À quel jeu joue le nouveau pouvoir polonais ? Pour les uns, le gouvernement aurait des arrière-pensées purement électoralistes. Les deux concurrents d’Airbus, l’Américain Sikorsky, constructeur de l’hélicoptère Black Hawk, et l’Italien Leonardo disposent d’usines déjà installées dans des régions polonaises politiquement importantes. Des sites qui pourraient embaucher si l’un de ses deux groupes venaient finalement à remporter la mise.

L’ombre russe pèserait également au dessus de ce contrat, affirme le magazine Challenges. Dans le contexte actuel de tensions avec Moscou, Varsovie chercherait à tout prix à faire plaisir à l’allié américain pour assurer sa défense. Remettre l’Américain Sikorsky dans la course pourrait combler d’aise Washington. Même si c’est au prix d’un clash diplomatique avec Paris.