Près de 900 morts, des villages entiers réduits à néant, l’électricité coupée, et le risque d’épidémies qui commence à être évoqué : Haïti prendra beaucoup de temps pour panser ses plaies après le passage de l’ouragan Matthew.
L’île de Haïti n’a pas fini de compter ses morts - 900 personnes ont perdu la vie, selon un dernier bilan officiel. Depuis le passage du puissant cyclone Matthew, mardi 4 octobre, les villages coupés de Port-au-Prince par les inondations et les glissements de terrain commencent seulement à pouvoir établir le bilan des disparus et des dégâts. Un million de personnes sont dans le besoin, selon l'ONG Care-France : "beaucoup d'habitants ont tout perdu. Ils n'ont plus rien hormis les vêtements qu'ils portent". Et déjà, la population craint une épidémie de choléra, comme en 2010 après les secousses sismiques qui avaient tué plus de 300 000 personnes.
Ouragan #Matthew : les routes vers le sud d’#Haiti sont toujours bloquées malgré les travaux de déblaiements qui ont commencé pic.twitter.com/azutno7P2G
— CARE France (@CAREfrance) 7 octobre 2016Pour afficher les images et vidoés sur vos mobiles et tablettes, cliquez ici
Le sud du pays a été particulièrement touché par l’ouragan, notamment la ville côtière des Cayes. Tous les champs de bananiers et autres cultures agricoles ont été détruits. Les troncs nus de cocotiers, dépouillés de toutes leurs feuilles, se dressent vers le ciel, raconte l’envoyée spéciale de RFI, Stefanie Schüler. "À la nuit tombée, c'est un paysage apocalyptique que l'on a traversé : arbres pulvérisés, maisons détruites, maisons englouties par des vagues de dix mètres de hauteur. Et l'ensemble du réseau électrique est au sol."
La localité touristique de Roche-à-Bateau s’est transformée en paysage de désolation. "Sur la commune, d’après un recensement, il n’y a que 17 maisons qui auraient résisté à l’ouragan, alors que la population compte 19 000 habitants. Et je ne parle que du milieu du bourg, je ne parle pas pas des sections communales, on ne sait pas ce que les gens sont devenus", rapporte le directeur d’un hôtel ravagé par l’ouragan, Richard Beauséjour.
Au Cayes, les habitants tentent de réparer et de reconstruire, rapporte Amélie Barron, correspondante pour l’Agence France Presse et RFI en Haïti. Les pieds dans la boue, au milieu des troncs d'arbres abattus sur des dizaines de maisons, les habitants du quartier Sous Roche travaillent ainsi pour replacer sur leurs toits les quelques tôles qui ont pu être récupérées.
La première aide après une catastrophe vient toujours des Haïtiens. Les Cayes, #Haiti #Matthew pic.twitter.com/DAF2X4K3XR
— Amélie Baron (@Ameliebaron) 6 octobre 2016"Je ne crois pas en l'aide internationale"
Alors que les promesses d'aide commencent à être formulées par les organisations internationales, les victimes de l'ouragan se montrent sceptiques car elles ont en mémoire le fiasco de la gestion post-séisme en 2010. "Le travail, c'est à nous de le commencer avant tout. Je ne crois pas en l'aide internationale. Après le séisme, on a dit que six milliards avaient été dépensés mais six ans après, Port-au-Prince n'a pas changé. L'aide dont on a besoin, c'est pas l'argent mais du matériel. Et surtout pas l'armée comme ça s'est passé le jour d'après le séisme quand le peuple avait besoin d'eau potable. Et qu'est-ce qu'on a vu ? Les Américains débarquer avec leurs armes", déclare Gédéon Dorfeuille, un habitant des Cayes interrogé par Amélie Barron.
D’ailleurs, le ministre haïtien de l’Intérieur, François Anick Joseph, entend contrôler l'aide des ONG et des partenaires internationaux pour éviter le fiasco de 2010, quand une infime fraction de l’aide était parvenue aux victimes. "Tout va passer par le gouvernement : il n'est pas question que des ONG prennent le contrôle de l'assistance humanitaire. Celles qui sont déjà sur place depuis des années, voire des décennies, ces ONG sont là et elles opèrent aujourd'hui dans le pays. Mais on est très stricts sur ce point: ce pays est dirigé par un gouvernement. Si ces organisations ne reconnaissent pas le gouvernement, qu'elles ne viennent pas du tout. Sur le terrain c'est la protection civile qui coordonne tout. On ne va pas transformer cet État en un véritable bordel. Ça ne va pas arriver. On en a fait l'expérience en 2010, on a appris de nos erreurs, on agira en gens responsables".
La responsabilité du gouvernement, justement, est pointée du doigt par les spécialistes, notamment Bertrand Talot, expert des questions environnementales à Port-au-Prince, qui dénonce sur France 24, "l’irresponsabilité de nos responsables, leur laxisme, leur négligence. On devrait pouvoir anticiper les risques. Chaque année, nous savons que la saison des cyclones commence en juin et se termine en novembre. Malheureusement, on n’a pas fait d’exercice de simulation. La sensibilisation, c’est plus ou moins ok, mais nous avons besoin d’engager les citoyens eux-mêmes d’abord, et que l’État, après, prennent ses responsabilités afin de diminuer ces risques."