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ONU : le pari fou de la Bulgare Kristalina Georgieva, en course pour succéder à Ban Ki-moon

La Bulgare Kristalina Georgieva va tenter, après s’être déclarée tardivement, de devenir la première femme, qui plus est originaire des pays de l’Est, à occuper le siège de secrétaire général de l'ONU. Un poste que Ban Ki-moon quittera en décembre.

La course à la succession de Ban Ki-moon, qui quittera fin décembre son poste de secrétaire général des Nations unies, s’accélère et entre dans une phase décisive. Mercredi 5 octobre, les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité pourront en effet éliminer des candidats, en leur signifiant qu’ils risquent un veto.

Jusqu’ici, c’est l’ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres qui reste le grandissime favori de la course pour remplacer le diplomate coréen. L’ancien Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés a remporté confortablement les cinq tours de scrutin indicatifs, et bénéficie d’un large soutien au sein des quinze pays membres du Conseil de sécurité.

Une candidature "solide", mais tardive

Toutefois, la Bulgare Kristalina Georgieva, l’actuelle vice-présidente de la Commission européenne chargée du budget, qui ne s’est déclarée que la semaine dernière, pourrait venir contrecarrer les ambitions du Portugais de 67 ans. Sofia a désigné l’ancienne vice-présidente de la Banque mondiale à la place d'Irina Bokova, la directrice générale de l'Unesco, payant le fait d'avoir été désignée par la précédente majorité socialiste bulgare.

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Cette dernière, qui a refusé d’abandonner la course malgré le désaveu de son gouvernement, n’a pas réussi à percer lors des tours de scrutin indicatifs, échouant à la sixième place à l’issue de cette phase.

Kristalina Georgieva n’a pas hésité à se lancer dans la bataille alors que certains diplomates onusiens avaient émis des doutes sur ses chances, au moment où la rumeur de sa candidature tardive se faisait plus insistante. "C'est une candidate solide mais c'est difficile d'entrer dans la course en retard, on paie une pénalité", a déclaré un diplomate du Conseil interrogé fin septembre par l’AFP, tandis qu'un autre a prédit que l’économiste de 63 ans "ne sera pas accueillie à bras ouverts".

"J'espère être jugée sur mes mérites et non sur la durée de ma campagne", a-t-elle répliqué aux sceptiques. Décrite comme volontaire, joviale, énergique et bosseuse, elle mise sur "sa vaste expérience en matière de développement international, d'aide humanitaire et un savoir-faire dans la gestion de la fragilité".

Lundi, Kristalina Georgieva a pris part à une séance de dialogue informel, une procédure inédite dans l’histoire des institutions et imposée à tous les candidats, afin d’exposer sa candidature et ses objectifs devant l'Assemblée générale, et de répondre aux questions des pays membres.

Lors de cette séance de deux heures, elle a répondu à plusieurs questions en langue russe. Un détail, loin d’être anodin pour l’économiste russophone (elle a vécu deux ans à Moscou lorsqu’elle travaillait au sein de la Banque mondiale).

Un avenir qui dépend du bon vouloir russe ?

Car Kristalina Georgieva n’ignore pas que la Russie soutenait ouvertement sa rivale et compatriote Irina Bokova pour ce poste prestigieux. Sans surprise, Moscou a très peu goûté sa nomination au détriment de la patronne de l’Unesco, et cette dernière l’a fait savoir en formulant officiellement des objections et en réclamant des éclaircissements sur ce qu’elle considère comme une manœuvre.

Les Russes ont même accusé l’Allemagne d’avoir fait pression sur le gouvernement bulgare pour qu'il remplace Irina Bokova, que Berlin jugerait pro-russe. Selon la presse allemande, l’un des principaux soutiens de Kristalina Georgieva ne serait nul autre que la chancelière allemande Angela Merkel.

Si ces tensions diplomatiques semblent inquiétantes pour la candidature de Kristalina Georgieva, la postulante a pourtant un profil qui pourrait apaiser le courroux du Kremlin. Outre ses compétences et son expérience internationale, la Bulgare a la particularité d'être une femme originaire d'Europe de l'Est. Rien d’original à première vue, sauf à l’ONU, qui a vu huit hommes se succéder au poste de secrétaire général, et dont aucun n’était issu de cette région.

Et justement, la Russie, qui préside ce mois-ci le Conseil de sécurité, n’a eu de cesse de répéter ces dernières semaines sa volonté de voir une femme prendre la tête de l’institution, tout en affirmant sa détermination à soutenir un candidat originaire d’Europe de l’Est.

Par conséquent, si les Russes restent cohérents, ils pourraient utiliser leur veto contre Antonio Guterres pour ouvrir la voie à Kristalina Georgieva. D’autant plus que les autres femmes en course semblent définitivement distancées, tandis que d’autres, comme la Croate Vesna Pusic, ont carrément jeté l’éponge.

Lundi, la diplomatie russe a donné un semblant de feu vert, quelques jours après la candidature de la vice-présidente de la Commission européenne. " Nous pensons vraiment que c'est au tour de l'Europe de l'Est de fournir le prochain secrétaire général", a déclaré l'ambassadeur de Russie à l'ONU Vitali Tchourkine lors d'une conférence de presse. "Nous aimerions beaucoup voir une femme", a-t-il ajouté, tout en indiquant qu'un vote formel pour désigner le successeur de Ban Ki-moon interviendrait bientôt.

L’économiste bulgare, que l’on dit capable avec son humour de faire glousser des négociateurs en pleine séance portant sur des questions budgétaires, devra toutefois se méfier de deux hommes, issus de l’ancien bloc de l’Est. L’ancien ministre serbe des Affaires étrangères Vuk Jeremic, classé second derrière l’ancien Premier ministre portugais, et du ministre slovaque des Affaires étrangères, Miroslav Lajcak, arrivé troisième.