Ni l'Égypte ni la Jordanie n'ont fait de déclaration officielle après le décès de Shimon Peres. Les titres de presse témoignaient jeudi d'une image assez négative laissée par l'ex-président israélien dans l'opinion des pays arabes de la région.
Au milieu du concert de louanges internationales sur le Prix Nobel de la paix, Shimon Peres, décédé mercredi 28 septembre, plusieurs capitales arabes sont restées mutiques. Aucune déclaration officielle n'a ainsi été publiée ni en Égypte ni en Jordanie, deux pays qui ont pourtant signé un accord de paix avec Israël.
Ces silences remarqués reflètent un sentiment dominant dans ces pays où l'ancien président israélien représente plutôt "un criminel de guerre" qu'un homme de paix.
Malgré les accords de Camp David en 1979 (Égypte-Israël) et ceux de Wadi Araba en 1994 (Jordanie-Israël), les opinions publiques égyptiennes et jordaniennes sont restées majoritairement hostiles à Israël.
Les stigmates du bombardement de Cana
En Égypte, où le 6 octobre – date de la guerre du Kippour en 1973 –, est un jour férié, les décennies de guerre avec Israël restent un souvenir douloureux. À titre d'exemple, en mars 2016, le parlement égyptien a exclu un député, Tewfik Okasha, qui avait reçu à son domicile l'ambassadeur israélien pour un dîner.
En Jordanie, où plus de la moitié de la population est d'origine palestinienne, l'antagonisme avec Israël demeure également très vif.
Parmi les principaux griefs soulevés contre Shimon Peres, figure le bombardement, alors qu'il était Premier ministre, d'un camp de l'ONU près du village libanais de Cana en 1996, durant lequel 106 civils libanais avaient été tués. Au Liban, le ministre de la Santé, Waël Abou Faour, n'a pas pris de gants dans un communiqué jeudi après le décès du Prix Nobel de la Paix : "Mille damnations sur son âme, bien qu'il soit en enfer. J'avais souhaité pour lui une mort qui corresponde à ses crimes contre les Arabes et les Palestiniens", a-t-il déclaré.
Mahmoud Abbas aux funérailles
Cette réaction tranche avec celle de Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, qui a salué dès mercredi Shimon Peres comme un "partenaire courageux pour la paix". Il a d'ailleurs assisté à ses funérailles à Jérusalem vendredi.
Parmi les rares responsables s'étant exprimés positivement, figure aussi le ministre des Affaires étrangères du Bahrein, cheikh Khaled ben Ahmed Al-Khalifa, qui a écrit sur Twitter : "Repose en paix président Shimon Peres, homme de guerre et homme d'une paix encore insaisissable au Moyen-Orient".
La presse arabe, très critique
Les titres de la presse arabe témoignaient également jeudi de l'image négative laissée par Shimon Peres. "Peres, l'ingénieur du massacre de Cana meurt", titrait en une Al Ahram, le journal égyptien d'État.
En Jordanie, le journal Al-Rai s'élèvait contre le "discours hypocrite de l'Occident colonisateur" qui présente Peres comme un homme de paix, en faisant "mine d'oublier [ses] crimes".
Le journal libanais Al-Akhbar titrait son article sur Shimon Peres "Le parrain des colonies et un meurtrier... qui le regrette ?". Il rappelait que Shimon Peres avait parfois été surnommé le "Boucher de Cana", sans mentionner toutefois ses liens avec les figures arabes modérées.
Sur les réseaux sociaux, la disparition de l’homme d’État israélien suscitait également une avalanche de vifs débats et de commentaires acrimonieux.
Avec AFP