La maire de Paris a dévoilé mardi les plans du camp humanitaire qui ouvrira ses portes mi-octobre dans le nord de la capitale. Le centre, d’une capacité de 400 personnes, accueillera les hommes isolés pour une durée de "5 à 10 jours".
Paris doit faire face à une "responsabilité humanitaire", a martelé mardi 6 septembre Anne Hidalgo, la maire socialiste de Paris. Devant un parterre de journalistes réunis à l’Hôtel de Ville, l’édile a rappelé à plusieurs reprises le devoir de "responsabilité" et de "solidarité" de la capitale française face à la crise migratoire. Un discours engagé en guise de prélude avant de dévoiler les plans du futur camp humanitaire qui ouvrira ses portes mi-octobre dans le nord de Paris.
La création d’un immense centre d’accueil, le premier en Europe à voir le jour en "zone urbaine dense", inquiète de nombreux élus et de Parisiens. "Ce centre est une première et il correspond à nos valeurs", a-t-elle déclaré, assurant agir "avec lucidité, sans et naïveté aucune". Alors comment va-t-il fonctionner ? Qui va-t-il recevoir ? Durant combien de temps ? France 24 fait le point.
1) Le camp de La Chapelle : un sas de transition
Le camp de réfugiés de la Porte de la Chapelle, installé boulevard Ney, n’est pas destiné à se pérenniser. Situé dans l’ancienne gare Dubois, il fera plutôt office de sas de transition et sera géré par l'association Emmaüs Solidarité.
Pourquoi construire un tel centre ? Premièrement, "parce que les campements sauvages [à Paris] sont insalubres et inacceptables", a expliqué Anne Hidalgo. Depuis juin 2015, plus d'une vingtaine d'évacuations et de "mises à l'abri" de migrants dans des structures d'accueil, des gymnases ou des chambres d'hôtels, ont eu lieu à Paris.
Ensuite, poursuit la maire de Paris, "parce qu'il fallait inventer de nouveaux dispositifs face à la saturation des centres d’hébergements actuels [centres d’accueil et d’orientation (CAO), centres accueil pour les demandeurs d’asile (Cada)]".
Les migrants qui passeront les portes du camp doivent, en théorie, ne rester que "5 à 10 jours" maximum sur place. Ils seront ensuite redirigés vers différentes structures "sur tout le territoire national", a précisé de son côté Emmanuelle Cosse, la ministre du Logement, présente aux côtés d'Anne Hidalgo. L’État a d'ailleurs promis d’ouvrir de nouvelles places d’accueil en CAO et Cada pour désengorger Paris.
2) Un camp pour les "hommes isolés"
Le camp de La Chapelle est divisé en deux pôles : à l’entrée, une immense "bulle" de 1 000 m2 dominera le paysage. C’est là que les équipes accueilleront "tous les migrants" quels que soient leur sexe et leur situation familiale pour évaluer leur situation.
Cette "bulle", appelée "pôle d'accueil", sera ouverte de 8 h à 20 h. Elle aura pour rôle de répartir les arrivants après un examen médical au "pôle santé". Médecins du Monde et le Samu social seront présents pour épauler Emmaüs dans le suivi médical et sanitaire des lieux. Les femmes et les enfants qui se présenteront Porte de la Chapelle seront dirigés vers un autre camp, situé à Ivry (en proche banlieue de Paris) qui devrait ouvrir ses portes avant la fin de l’année et qui aura une capacité de 350 places.
Les hommes, qui ne voyagent pas en famille, pourront accéder à l’espace derrière la "bulle" où sera construite une immense halle, le "pôle hébergement". Ce pôle aura une capacité de 400 places. "Il y a aura 100 chambres de 4 personnes et huit blocs sanitaires" a expliqué Julien Beller, l’architecte du camp.
"Le camp ne sera pas un lieu de contrôle policier", a également assuré le président d'Emmaüs, Bruno Morel.
3) Le coût du camp humanitaire
La construction du centre parisien coûtera 6,5 millions d'euros et sera financée à 80 % par la Ville (5,2 millions d’euros) et 20 % par l'État. La Ville de Paris prendra aussi à sa charge 50 % du coût de fonctionnement de la "bulle", le pôle d’accueil, soit 1,2 million d’euros par an.
"Le reste des dépenses sera couvert par l’État, qui prendra aussi en charge l’intégralité du coût du pôle hébergement", peut-on lire dans le communiqué de presse de la Ville de Paris. Au total l'État consacrera "au moins 15 millions d'euros en année pleine" au projet, selon Emmanuelle Cosse.
4) Un camp "pour se poser et se reposer"
L’architecture du camp de La Chapelle a été longuement pensée pour être à la fois fonctionnelle et agréable. "Nous n’avons pas voulu mettre en place des tentes en ligne comme dans un gymnase", a expliqué Julien Beller. "Nous voulions permettre aux résidents de se poser et de se reposer". Ainsi, contrairement au camp de Grande-Synthe, plutôt sommaire, les architectes ont réfléchi à l’esthétique du lieu.
"Nous avons pris en compte le confort thermique et acoustique du lieu", a-t-il précisé. Des espaces de détentes, des réfectoires, des bancs, des tables, un terrain de foot devraient voir le jour. Les espaces de nuitées seront subdivisés en huit îlots, avec des chambres en bois, chacune disposant de lits, d'une armoire et d'une prise électrique pour brancher les portables.
Les élus ont également insisté sur le rôle des riverains. "Il y a de la place pour tout le monde", a assuré Aurélie El Hassak Marzorati, la directrice générale adjointe d'Emmaüs Solidarités, qui a incité les Parisiens à distribuer des vêtements, "créer du lien"... Seule condition : il faudra recevoir l'aval d'Emmaüs. La responsable espère aussi récupérer des vêtements ou des "kits hygiène", auprès des particuliers mais aussi des entreprises.