
Charlie Hebdo est au cœur d’une polémique en Italie après un dessin sur le séisme qui a fait près de 300 morts dans la péninsule. L'hebdo satirique a représenté les victimes ensanglantées avec les mentions "penne sauce tomate" et "penne gratinées".
C’est une caricature provocante comme sait le faire le journal satirique Charlie hebdo. Fidèle à sa ligne éditoriale et à sa réputation, l’hebdomadaire français a publié mercredi 31 août un dessin sur les victimes du séisme en Italie, qui a fait près de 300 morts dans le centre de la péninsule.
On y voit des corps empilés dans les décombres d’un immeuble avec la mention "lasagnes" et deux victimes ensanglantés présentées, elles, comme des "penne sauce tomate" et des "penne gratinées". Sur les réseaux sociaux, italiens et français, les réactions sont à l’indignation et à la colère.
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"Je ne suis pas Charlie", peut-on lire ici et là. "Il y a des limites à ne pas dépasser, question de respect", "Quand est-ce que ce torchon cessera de paraître ?", ont aussi écrit des internautes en colère. Parfois les commentaires sont bien pires, certains allant jusqu'à justifier la mort des caricaturistes assassinés par des terroristes en janvier 2015.
"Aujourd'hui, personne n'est Charlie"
La polémique a très vite pris de l'ampleur de l'autre côté des Alpes. Le Corriere della Sera, l'un des quotidiens les plus sérieux d'Italie, a consacré un article à l'affaire : "Aujourd’hui, personne n’est Charlie", peut-on lire en guise d'introduction. "Ces dessins sont répugnants", a jugé vendredi soir le ministre italien de la Justice, Andrea Orlando. "J'ai la liberté de dire que tout cela est dégoûtant', a estimé de son côté Pietro Grasso, le président du Sénat.
Embarrassée, l'ambassade de France à Rome s'est même fendue d'un communiqué rappelant que "les opinions exprimés par les journalistes [...] ne représentent en rien la position de la France".
L'hebdomadaire a répondu à la polémique par un nouveau dessin, de la caricaturiste Corinne, publié le 2 septembre sur internet. "C'est pas Charlie Hebdo qui construit vos maisons, c'est la mafia !", s'écrit une victime sous les décombres.
Le cynisme et la provocation, la marque de fabrique de Charlie
Ce n’est pas la première fois que l’hebdomadaire s’illustre dans le domaine de la provocation et du cynisme, même en cas de traumatisme national. C'est même un leitmotiv chez Charlie Hebdo. Lors des attentats en Belgique, en mars 2016, un corps déchiqueté autour du chanteur Stromae avait fait scandale. Après les attentats du 13 novembre en France, la caricature d’une victime criblée de balles buvant du champagne, avait provoqué l'émoi : "Ils ont les armes, on les emmerde, on a le champagne", pouvait-on lire sous le dessin.
À chaque fois, des réactions outrées ont enflammé la toile. Le journal a été taxé de racisme, de blasphème, de xénophobie, de mauvais goût... Charlie Hebdo a toujours revendiqué, de son côté, le droit à la liberté d’expression absolue. Que son second dégré soit compris ou pas. Un article de France 24 (en anglais), intitulé "L’année où Charlie a été aimé, détesté et incompris", écrit juste après les attentats de janvier, visait justement à rappeler l’identité si particulière de ce journal impertinent.
Charlie Hebdo n'a jamais fait dans le politiquement correct. Et comme le rappelle Courrier International, "il n’a jamais prétendu faire dans l’analyse nuancée des subtilités, mais il se targue d’être vulgaire et irrévérencieux, et part du principe que si sa féroce machine satirique broie la sensibilité des gens, c’est tant pis pour eux."