Le gouvernement d'union tunisien dirigé par Youssef Chahed a pris officiellement ses fonctions lundi. Chômage, terrorisme, retour des investisseurs, conflits sociaux... Les défis qui attendent la nouvelle équipe sont nombreux.
Le gouvernement d'union tunisien de Youssef Chahed a pris officiellement ses fonctions lundi 29 août. Sa première mission : donner des gages sur sa capacité à redresser une Tunisie au bord de l'asphyxie économique cinq ans après sa révolution.
La cérémonie de passation entre le plus jeune Premier ministre de l'histoire moderne de la Tunisie (40 ans) et son prédécesseur Habib Essid (67 ans) a eu lieu en fin de matinée à Carthage, près de la capitale. Elle a été l'occasion pour l’ancien chef de gouvernement, un indépendant invité à prendre la porte en raison de résultats jugés insuffisants, de laisser à nouveau transparaître ses regrets.
"J'espère que ce gouvernement va durer [...] La pire chose pour ce pays, c'est le changement de gouvernement chaque année ou année et demie", a grincé le Premier ministre sortant. "La situation est compliquée mais nous sommes optimistes, lui a répondu Youssef Chahed. Nous allons assumer nos responsabilités. Sois tranquille pour la Tunisie et son avenir".
Un gouvernement féminisé et rajeuni
Libéral issu du parti Nidaa Tounès fondé par le président Béji Caïd Essebsi, le nouveau Premier ministre dispose, outre sa jeunesse, de plusieurs atouts. Féminisé et rajeuni, son gouvernement a confortablement obtenu la confiance, vendredi, de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) avec 168 voix (sur 217) et son discours offensif devant les députés a reçu un écho favorable. "Nous avons jusque-là été incapables de réaliser les objectifs de la révolution [de 2011]. Nos jeunes ont perdu espoir, la confiance des citoyens dans l'État a reculé", avait-t-il déploré. "Nous sommes tous responsables [et] serons tous amenés à faire des sacrifices [...]. Si rien ne change d'ici 2017, nous opterons pour l'austérité", a-t-il prévenu devant l'ARP.
Mais le septième Premier ministre de l'après-révolution va devoir combattre le sentiment de désenchantement d'une population lasse des crises à répétition. De nombreux Tunisiens ont relevé que le sombre diagnostic livré à l'ARP avait déjà été établi par certains de ses prédécesseurs, sans que cela ne change le cours des choses. Les priorités sont connues de longue date, notamment la lutte contre le chômage, la corruption et le terrorisme.
Sur ce dernier point, Youssef Chahed a choisi la continuité en confirmant les titulaires de l'Intérieur et de la Défense. Après une série d'attaques jihadistes sanglantes qui ont ravagé le secteur touristique, ces deux ministres ont pu se prévaloir de l'accalmie actuelle, qui reste cependant précaire.
Conflits sociaux
L’une des autres tâches du cabinet Chahed sera effectivement de s'atteler à la relance de l'activité économique, minée par les conflits sociaux. À la faveur des larges négociations menées cet été, le gouvernement compte en son sein deux anciens membres du puissant syndicat UGTT... ce qui, à lui seul, n'est toutefois pas un gage de réussite. Car malgré ce nouveau cabinet dit "d'union nationale", Youssef Chahed sera loin de pouvoir s'appuyer sur un climat de concorde.
L'opposition a annoncé la couleur. "Vous obtiendrez la confiance de l'ARP mais pas celle des chômeurs et des pauvres !", a asséné le député du Front populaire (FP, gauche), Ammar Amroussia.
Au sein même du gouvernement, Youssef Chahed devra gérer une coalition hétéroclite dont l'une des marques de fabrique reste l'alliance contre-nature entre Nidaa Tounès et les islamistes d'Ennahda, première force au Parlement.
Rigueur économique
Faute d'embellie rapide, le gouvernement s'oriente en outre vers un délicate politique de rigueur, alors que le pays a dû recourir à un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI) d’un montant de 2,8 milliards de dollars sur 4 ans.
Autre défi à court terme : la réussite de la grande conférence des bailleurs et investisseurs, prévue en novembre à Tunis, à laquelle 70 pays participeront. Si le pays jouit d'une sympathie certaine, notamment en Europe, depuis qu'il s'est engagé sur la voie de la démocratie, il n'est pas parvenu jusque-là à attirer les investisseurs. Les projets de coopération, eux, se concrétisent au compte-goutte.
Enfin, Youssef Chahed, jusque-là ministre des Affaires locales, devra vite améliorer le cadre de vie quotidien des 11 millions de Tunisiens, sensiblement dégradé. L'une des clés réside dans la tenue des premières municipales post-révolution, les villes étant gérées depuis 2011 par de simples "délégations spéciales", en charge des affaires courantes. La date de mars 2017 semblait se dégager, mais le délai a finalement été jugé impossible à tenir : la loi devant régir le scrutin est toujours en attente d'adoption.
Avec AFP