![Hommage interreligieux au père Hamel : "Opposer l'amour à la haine" Hommage interreligieux au père Hamel : "Opposer l'amour à la haine"](/data/posts/2022/07/21/1658418506_Hommage-interreligieux-au-pere-Hamel-Opposer-l-amour-a-la-haine.jpg)
C'est au Raincy, commune de Seine-Saint-Denis de 14 300 habitants, plutôt aisée et surnommée "la Neuilly du 93" que France 24 est allé assister à la messe d'hommage au père Jacques Hamel, assassiné le mardi 26 juillet à Saint-Étienne-du-Rouvray.
Il est 9 h 30. La messe à Notre-Dame du Raincy (aussi appelée Notre-Dame-de-la-Consolation) est en plein préparatifs. Deux vigiles montent la garde devant l’église. Le père Frédéric Benoist, la mine bronzée, la jeune cinquantaine, a écourté ses vacances pour rendre hommage au père Jacques Hamel, assassiné quelques jours plus tôt. "Je suis revenu pour gérer l'émotion de ma paroisse, prendre le pouls de la communauté et apaiser les âmes. Une messe œcuménique et une cérémonie civile sont à l'ordre du jour."
Comme s'il n'y avait pas d'occasion particulière, Martine Konzelmann, qui joue de l’orgue l'église du Raincy de longue date, se lance dans l’histoire de Notre-Dame-de-la-Consolation : ses architectes français, Auguste et Gustave Perret, sa construction en 1922-23, le vitrail en hommage au poilus et aux taxis de la Marne, appelé "Souvenir de la victoire de l’Ourcq". Pour un peu, elle nous ferait oublier l'office qui doit se tenir dans quelques minutes. "C'est une messe particulière, explique-t-elle pourtant. Déjà, après les attaques de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher et celles du 13 novembre, nos messes avaient attiré plus de monde que d’habitude." Elle analyse : "Peut-être est-ce parce l’église est l’un des rares endroits où l’on se retrouve avec soi-même, et où on ressent de la solidarité. Pour nous, il est important de lutter contre les a priori, et de jouer, toujours, la carte du dialogue."
Martine se met au clavier. La messe a démarré. Entre 300 et 350 personnes sont présentes. Le père Benoist les salue : "Notre communauté a un visage d’été, elle est composée de visages d’ailleurs." Puis il rend "hommage à notre frère Jacques [Hamel], tué horriblement, alors qu’il célébrait une messe avec les membres de sa paroisse."
"La haine habite le cœur de quelques jeunes"
Il salue également la présence du sous-préfet du Raincy, du maire et du député de la circonscription, ainsi que celle des représentants du culte musulman, venus grossir les rangs de l’assemblée aujourd’hui.
D’un bout à l’autre de la célébration, ses propos font référence à l’actualité. Il s’arrête sur un mot : la haine. "Oui la haine existe, il ne faut pas la sous-estimer, elle habite le cœur de quelques jeunes". Il interroge : "Pourquoi ? D’où vient-elle ? Il faut prendre le temps de comprendre ce qui nous arrive là, quitte à nous remettre en cause." Et l’ecclésiastique de proposer une alternative : "Nous ne devons pas opposer la violence à la violence, mais répondre par l’amour. Transformer le cœur des hommes. Nous ne rendons pas un culte au martyr, nous célébrons la victoire du Christ sur les forces du Mal."
À la fin de la messe, rendez-vous est donné sur le parvis, où sont rassemblés chrétiens, juifs, musulmans et laïcs pour une cérémonie civile interreligieuse. Au sein de l’association UDPP (Union pour le dialogue, le partage et la paix), le père Benoist a cosigné un texte avec le pasteur, le rabbin et l’imam des communautés du Raincy pour dire leur indignation face aux attentats de juillet – englobant celui de Nice et celui de Saint-Étienne-du-Rouvray.
Hélas, en dehors de l’imam Lahcène Lablack, ses homologues n’ont pas pu faire le déplacement ce dimanche au Raincy. L’un a dû rester à Jérusalem, l’autre en Suisse. Mais d’autres ont répondu à l’appel, notamment les musulmans, sensibles à l'appel du CFCM. L’instance représentative du culte musulman avait en effet enjoint jeudi les responsables de mosquées, les imams et les fidèles à se rendre dimanche dans une église proche pour "exprimer la solidarité et la compassion des musulmans de France".
"Plus que normal d'être ici"
Rabbia est musulman, il réside depuis longtemps au Raincy. Il n’a pas hésité à venir aujourd’hui : "Il me semblait plus que normal d'être ici, pour ce type de rassemblement : exprimer notre amour et notre solidarité. Aussi bien que le combat que nous devons mener contre Daech [autre nom de l'organisation État islamique], car il est particulièrement injustifié de nuire à un homme de foi". Sa femme Rachida ajoute : "On est Français avant tout. On est Français avant d’être musulmans."
Christelle B., catholique, se rend à l’église tous les dimanches depuis un an. "La messe était bien. Ça fait plaisir de voir toutes les communautés religieuses rassemblées. C’est la première fois depuis que j’ai commencé à venir dans cette église que je vois un tel mélange de religions, et de communautés différentes. C’est dommage que cela ne se produise que pour de telles circonstances."
En attendant, le père Frédéric Benoist, qui a appelé tout le monde à poser pour une "photo de famille face à l'église", est heureux d’avoir créé un moment de paix. "Le rassemblement s’est passé de manière simple, dans un esprit 'village'. Chacun s’est recueilli comme il l’entendait, dans le respect des autres. Et c’est le message que nous voulons faire passer", se réjouit-il.
Si vous ne voyez pas les images ci-dessous, cliquez ici