Selon le régime, des dizaines de familles ont pu quitter samedi la ville syrienne d'Alep, assiégée et prise en étau entre forces rebelles et loyalistes, grâce à des corridors humanitaires. Les insurgés affirment le contraire.
"Des dizaines de familles" selon le régime, "nombre de civils" selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'un des corridors humanitaires mis en place à Alep, la deuxième ville de Syrie, a pu finalement être emprunté samedi 30 juillet par des habitants fuyant le siège et les raids destructeurs des forces du régime, qui tentent de reprendre aux rebelles les quartiers qu'ils tiennent.
Les familles concernées ont utilisé le couloir situé dans le quartier de Salaheddine pour se rendre dans des zones sous contrôle du régime. La veille, très peu d'Aleppois avaient pu quitter la ville assiégée.
"Des dizaines de familles sont sorties [samedi] matin des quartiers Est d'Alep à travers les couloirs [...] ouverts pour évacuer les citoyens assiégés par les groupes terroristes", a indiqué l'agence Sana, qui reprend la terminologie officielle qualifiant les rebelles de "terroristes". "Les soldats les ont accueillies et transportées dans des bus en direction d'abris temporaires", a-t-elle ajouté. Outre ces familles, un groupe "de femmes de plus de 40 ans sont également sorties des quartiers Est d'Alep à travers le passage de Salaheddine".
L'OSDH a également évoqué la sortie de civils, sans toutefois donner de chiffres.
Pas d'ouverture, selon les insurgés
Les groupes rebelles, eux, ont démenti. Iyat Abou Mohamed, un commandant du groupe rebelle Noureddine al-Zinki, évoque "des rumeurs et des mensonges". "Nous sommes au passage (du quartier) de Boustan al-Qasr. Le régime ment", a dit au correspondant de l'AFP un autre commandant rebelle, Yasser Flis. "Ils n'ont rien ouvert, (...) Au contraire, ils ont augmenté leurs bombardements et leurs raids aériens sur le point de passage."
L'agence a publié des photos de femmes habillées en noir, accompagnées d'enfants, en file près de soldats ou prenant le bus. La chaîne officielle Al-Ikhbariya a diffusé des images de quelques femmes et d'enfants traversant une rue bordée d'immeubles en ruines.
Sana a signalé également que des combattants avaient rendu leurs armes, sans préciser leur nombre.
Deuxième ville du pays et enjeu majeur de la guerre, Alep est divisée depuis 2012. Les forces prorégime contrôlent l'ouest de la ville et tentent de reconquérir les quartiers est rebelles soumis pendant des mois à des bombardements et raids meurtriers dévastateurs du régime. Une reconquête de cette métropole du nord du pays constituerait la plus grande victoire du régime de Bachar al-Assad depuis l'éclatement du conflit en 2011 et pourrait sonner le glas de rébellion, déjà affaiblie par la montée en puissance des jihadistes dans la guerre.
"Partez ou mourez de faim"
Après avoir assiégé totalement depuis le 17 juillet les quelque 250 000 habitants des quartiers rebelles, le régime a autorisé l'ouverture jeudi de corridors pour permettre aux civils et combattants souhaitant déposer les armes de sortir. L'annonce a été faite par la Russie, alliée du régime qu'elle aide militairement face aux rebelles et jihadistes.
L'initiative a été présentée comme à but humanitaire, mais rebelles, opposants et plusieurs pays, dont les États-Unis, ont exprimé leur scepticisme. Le secrétaire d'État américain John Kerry a même évoqué une "ruse" possible de Moscou.
D'ailleurs, plusieurs habitants continuent d'avoir toujours peur d'emprunter ces passages. "Je veux sortir, mais pas vers les zones du régime. J'ai très peur qu'ils prennent mon fils de 17 ans pour l'obliger à faire son service militaire ou l'envoyer au front", dit Abou Mohammad, 50 ans et père de quatre enfants.
L'opposition au régime a également mis en doute les intentions du régime et de son allié russe. Ahmad Ramadan, membre de la Coalition de l'opposition en exil, a parlé de "couloirs de la mort", alors que sa collègue Bassma Kodmani, a dénoncé "un message brutal pour notre peuple : partez ou mourez de faim".
Le régime a eu recours à la tactique du siège pour soumettre la rébellion dans d'autres régions du pays.
Avec AFP