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Moins de deux semaines après l'attentat de Nice, la France a de nouveau été frappée à Saint-Étienne-du-Rouvray, mardi 26 juillet. Pour comprendre pourquoi le pays est devenue une cible, Pierre Conesa a répondu aux questions de France 24.

Moins de deux semaines après l'attentat de Nice, la France a de nouveau été frappée par le terrorisme. L'attentat dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, mardi 26 juillet, est venu s’ajouter à une liste macabre d’attaques revendiquée par l’organisation État islamique (EI). 

Pour comprendre l’acharnement des jihadistes à frapper la France, Pierre Conesa, maître de conférences à Sciences Po, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense, et auteur d'un rapport sur la contre-radicalisation, répond aux questions de France 24.

France 24  : Deux attaques terroristes en moins de deux semaines, la France semble plus que jamais la cible occidentale principale de l’EI. Comment l’expliquez-vous ?

Pierre Conesa : La France, qui est l’une des cibles, est visée que parce qu’elle a décidé de combattre Daech [autre nom de l’EI, NDLR] en Irak et en Syrie à la place des pays musulmans de la région. Nous menons une guerre qui n’a rien à voir avec nos intérêts propres. C’est une guerre de religion qui est en train de détruire le Moyen-Orient, et nous n’avons pas à nous mêler d’une  guerre de religion entre sunnites et chiites. C’est pour ça que nous sommes par nature devenu un ennemi consensuel, quand Daech utilise le terme de croisés pour décrire la coalition internationale il trouve un certain écho, dans le sens où les Occidentaux apparaissent une fois de plus comme venant faire la police au Moyen-Orient. En conséquence, nous subissons les attaques terroristes sur notre sol.

Vous suggérez donc que la France devrait se retirer de la coalition internationale qui mène des frappes en Irak et en Syrie contre l’EI ?

Il faut annoncer un calendrier aux pays de la région. Daech est une espèce de radicalisme sunnite qui s’appelle le salafisme [une mouvance islamiste, aussi minoritaire que puritaine, qui prône une interprétation stricte et littérale du Coran ainsi qu’un retour à des pratiques religieuses datant de l'époque du prophète Mahomet, NDLR] et qui donne une légitimité théologique pour tuer toutes les personnes qui ne pensent pas comme eux, à commencer par les chiites, ensuite ceux qu’ils considèrent comme des mauvais musulmans, et ainsi de suite. C’est l’Arabie saoudite qui a donné naissance à cette idéologie totalitaire, à ce monstre, mais Riyad se bat au Yémen contre les chiites, mais ne se bat pas contre Daech. Je ne vois pas pourquoi la France mène cette guerre à sa place.

Mais sur le territoire français, le gouvernement peut-il gagner cette guerre ?

La procédure terroriste est toujours la même, à savoir une provocation à laquelle un gouvernement institutionnel répond en disant : 'Ça ne se passera pas comme ça'. Mais on ne gagne pas une guerre contre le terrorisme. Il faut essayer de comprendre comment il fonctionne, et si on comprend comme il fonctionne, et si on peut le résoudre politiquement, et ensuite militairement par le plan du renseignement intérieur, alors à ce moment, on peut avoir des chances gagner cette guerre. Mais il faut en premier lieu bien désigner l’ennemi avant de décider d’une politique générale. Je constate toujours que nos hommes politiques n’ont pas bien compris de quoi il s’agit lorsqu’ils parlent de musulmans radicaux, de l’islam radical ou de musulmans intégristes. Non, les terroristes qui se réclament de l’islam ont tous le point commun d’être d’abord dans la matrice salafiste. Quand on explique qu’il y a des salafistes quiétistes [qui refusent de se mêler des questions politiques, NDLR], alors que cette idéologie, qui n’est pas religieuse mais politique, est, comme me le précisait récemment un théologien musulman, la version la plus raciste, sectaire, homophobe, antisémite, misogyne et sectaire de l’islam, vous savez que vous préparez le terreau à une action violente quand vous permettez la diffusion d’une telle idéologie antirépublicaine sur le territoire, notamment par des imams salafistes rémunérés par l’Arabie saoudite. C’est comme si vous vous demandiez si Hitler était antisémite avant 1934, alors qu’il le disait lui-même ! Nous avons exactement la même situation aujourd’hui.