Une enquête préliminaire pour "abus d’autorité" a été ouverte après le signalement déposé mardi par l'avocat de la policière municipale, Sandra Bertin. Une procédure qui vise à vérifier les allégations de la niçoise.
La polémique sur la sécurité à Nice n’en finit pas de rebondir. Le parquet de Nice a ouvert mardi 26 juillet une enquête préliminaire pour abus d'autorité à la suite
du signalement fait par la policière municipale qui affirme avoir subi des pressions du ministère de l'Intérieur, a-t-on appris auprès du procureur Jean-Michel Prêtre. Les investigations viseront à vérifier les faits dénoncés par Sandra Bertin, chef de service de la police municipale de Nice. À la suite de ces révélations, Bernard Cazeneuve a déposé plainte contre Sandra Bertin pour diffamation.
Lundi, deux signalements ont été déposés, l'un par l'avocat de la policière municipale, l'autre par Christian Estrosi, premier adjoint de la ville de Nice, président de la métropole et de Paca, et le maire de Nice Philippe Pradal, a précisé le procureur.
Dernier épisode en date : Sandra Bertin, la chef de service de vidéosurveillance de la ville, a en effet déclaré ce week-end qu'une "personne pressée" du ministère de l'Intérieur lui avait donné pour instruction de mentionner la présence de policiers nationaux sur les lieux de l'attentat et de rendre un rapport dans une forme "modifiable". Mais la policière n'aurait pas eu affaire à un membre du cabinet de Cazeneuve, selon une information révélée lundi 25 juillet par Europe 1.
La radio affirme avoir pu consulter la copie du courriel envoyé le 15 juillet à 17 h 35 transmis par la fonctionnaire de police. D’après la même source, le courriel a été adressé à une fonctionnaire de police ne faisant pas partie du cabinet de Bernard Cazeneuve mais à une commissaire de police travaillant à l'état-major de la Direction centrale de la sécurité publique.
La mission de cette dernière consiste à centraliser les informations sur tous les principaux faits qui surviennent en France pour les transmettre à son directeur central et au directeur général de la police. "Et si la commissaire a demandé une version "modifiable", ce n'est pas pour falsifier quoi que ce soit, a expliqué la direction de la police à Europe 1, c'est simplement pour pouvoir faire du copier-coller, et reprendre tels quels des éléments transmis par la police municipale dans la note d'information de la sécurité publique.
Un rapport de police "confus", selon Le Monde
L’avocat de la policière, Maître Adrien Verrier, tient un tout autre discours. "Si les révélations selon lesquelles la personne qui était au bout de fil était effectivement un commissaire de police de l'état-major qui n'appartenait pas au cabinet, cela voudrait dire que cette personne a également menti sur sa qualité et a également utilisé une qualification qui n'était pas la sienne", a assuré le juriste à des journalistes. "Si cette personne fait bien partie d'une direction centrale, il s'agit d'un état-major qui est structurellement relié directement avec le ministère de l'Intérieur", a-t-il ajouté.
"Nous avons formalisé le signalement au procureur de la République avec toutes les pièces justificatives, avec tous les noms, tous les détails de manière à permettre le cas échéant au parquet, s'il l'estime nécessaire, de faire toute la lumière et toutes les investigations sur les faits qui sont dénoncés", a en outre précisé l'avocat. La "pression psychologique dont elle parle [...] a duré à peu près une heure le 15 juillet".
D’après Le Monde, le rapport que Sandra Bertin a finalement transmis aux autorités de la police nationale " ne précise pas les positions respectives des policiers municipaux et nationaux en faction" mais "détaille quasiment seconde par seconde le parcours du camion conduit par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, dès le moment où il est signalé sur la promenade des Anglais".
Le mémo que la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes a rédigé le 15 juillet, après s’être entretenu avec Sandra Bertin, est "beaucoup plus confus", selon le quotidien. La position des policiers nationaux y est mentionnée mais de façon "erronée". Pour sa défense, le ministère de l’Intérieur affirme qu’il ne disposait pas alors de "tous les éléments".
"Le pot de terre contre le pot de fer"
Employée par la Ville de Nice, Sandra Bertin est accusée par des élus du Parti socialiste d’être instrumentalisée par Les Républicains (LR, opposition). Sur Twitter et Facebook, la jeune femme affichait ouvertement son soutien à l'ex-maire de Nice et actuel président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Christian Estrosi. Ses comptes ont été supprimés dans la nuit de dimanche à lundi. "Je ne suis encartée ni chez les Républicains ni dans aucun parti" et "nous ne sommes pas proches" avec Christian Estrosi, a affirmé la policière mardi, dans un entretien au Parisien. "Quel intérêt j'aurais à inventer cela ?", interroge-t-elle.
"Cette personne n'est pas du tout instrumentalisée, elle a une personnalité très forte, suffisamment forte pour affronter cette tempête judiciaire", a fait valoir son avocat. Et de conclure : "Notre but c'est d'essayer de faire en sorte que pour une fois, le pot de terre puisse gagner contre le pot de fer."
Avec AFP et Reuters