
Près d’une semaine après l’attentat de Nice, François Hollande a invité les Français à rejoindre les réserves des forces de sécurité. Qui est concerné par l'appel ? Quels sont les critères d'admission ? Existe-t-il des risques ? Explications.
Moins d’une semaine après l’attentat du 14 juillet à Nice, François Hollande a lancé "un appel aux Français qui le souhaitent" à rejoindre les rangs des différentes réserves des forces de sécurité. Ainsi se constituera "une Garde nationale" a déclaré le président de la République mercredi 20 juillet.
Avec ce vivier d’hommes et de femmes, anciens militaires ou issus de la société civile, l’État entend ainsi gonfler les effectifs de forces de sécurité très sollicitées depuis les attentats de 2015.
Mais entre la réserve dite "opérationnelle" et celle dite "citoyenne", les statuts et les tâches des volontaires diffèrent. "La réserve opérationnelle existe depuis des années, la réserve citoyenne est, elle, plus récente", rappelle Patrick de Gmeline, historien de l’armée française. Quelle est la différence entre les deux réserves ? Quels sont les critères de sélection ? Comment éviter les incorporations à risques ? France 24 fait le point.
• Qu’est-ce que la réserve opérationnelle ?
La réserve opérationnelle constitue un ensemble de volontaires et d’anciens militaires au service des armées et de la gendarmerie. L'armée compte à elle seule 28 000 réservistes volontaires et la gendarmerie 26 000, selon les données du Conseil supérieur de la Réserve militaire. S'y ajoute une réserve beaucoup plus importante de 98 000 anciens militaires d'active et 28 000 anciens gendarmes, retraités depuis moins de cinq ans et donc soumis à une obligation de disponibilité. Le vivier comprend au total 180 000 hommes et femmes parmi lesquels l’État peut puiser en cas de nécessité.
Issus de la société civile (salariés, professions libérales, étudiants, etc.) ou anciens militaires, les volontaires de la réserve opérationnelle signent, après formation, un contrat pour une durée d'un à cinq ans, assorti d'une solde. Ils sont mobilisables 30 jours maximum par an, un seuil qui peut être porté à 60 jours "pour répondre aux besoins des armées", voire 150 jours "en cas de nécessité liée à l'emploi des forces" ou même 210 jours "pour les emplois présentant un intérêt de portée nationale ou internationale". Pour l’heure, ils servent en moyenne 25 jours par an.
Pendant leurs périodes de réserve, ils remplissent les mêmes missions que les militaires d'active, avec le même statut. "Dès qu’ils sont appelés pour accomplir une mission de petite ou de longue durée, les volontaires de la réserve opérationnelle sont immédiatement en uniforme comme n’importe quel soldat français", explique l’historien. Ils peuvent donc effectuer des manœuvres, participer à la surveillance du territoire ou renforcer les états-majors.
"D’autres sont utilisés selon leurs expertises dans des domaines spécifiques. Il peut s’agir d’informaticiens, de médecins, d’ingénieurs, de juristes ou de personnes maîtrisant des langues étrangères", indique Patrick de Gmeline, qui fut commandant de la réserve opérationnelle rattaché au 27e bataillon de Chasseurs Alpins.
Environ 300 d'entre eux sont envoyés chaque année sur les théâtres d'opérations extérieurs, notamment dans le service de santé des armées ou le renseignement.
• Qu’est-ce que la réserve citoyenne ?
L’appel lancé par Bernard Cazeneuve au lendemain de l’attaque de Nice concerne en premier chef la réserve citoyenne qui comprend majoritairement des volontaires n’ayant jamais servi dans les forces de l’ordre. "La réserve citoyenne peut être très utile mais elle n’a rien de militaire. Elle est constituée de personnes qui n’ont aucune formation, sauf les retraités de l’armée de plus de cinq ans, explique Patrick de Gmeline. Les tâches auxquelles on les assigne ne sont pas des tâches militaires, ils ne portent ni armes ni uniforme." La police compte 2 700 réservistes citoyens, la gendarmerie en dénombre 25 000 et a pour objectif d’atteindre les 40 000 d’ici à 2018.
Au sein de la police, les volontaires "citoyens" peuvent effectuer jusqu’à 150 jours de réserve par an mais la moyenne effective tourne autour des 60 jours. "Ils n’ont pas le droit de porter une arme mais peuvent être équipés d'un gilet pare-balles lorsqu’ils sont envoyés sur la voie publique", assure-t-on à la police nationale. Les autres sont en tenue civile.
Dans la gendarmerie, les réservistes citoyens sont mobilisables 90 jours dans l’année, mais la moyenne oscille entre 30 et 40 jours.
• Qui peut être réserviste ?
Premières conditions : être de nationalité française et volontaire. "On ne va pas les chercher, ce sont eux qui se présentent", précise l’historien. Depuis les attentats du 13-Novembre à Paris et Saint-Denis, les forces de l’ordre ont connu un afflux de demandes. Aussi les conditions d’admission ont-elles été légèrement assouplies. Dans la gendarmerie, l’âge maximal a ainsi été reculé jusqu’à 40 ans, contre 30 ans il y a peu.
Pour devenir réserviste de la police nationale, il faut avoir entre 18 et 65 ans, "être en règle au regard des obligations du service national (journée de défense pour ceux nés après le 31 décembre 1979), ne pas avoir été condamné soit à la perte des droits civiques ou à l'interdiction d'exercer un emploi public, soit à une peine criminelle ou correctionnelle inscrite au bulletin numéro deux du casier judiciaire et enfin posséder l'aptitude physique requise".
Dans les deux corps, le candidat doit être en mesure de présenter des "aptitudes morales" afin d’éviter les incorporations à risques.
• Comment évalue-t-on l’aptitude morale d’un(e) candidat(e) ?
"Comment savoir d’une personne se présentant dans un centre si elle est apte sur le plan de la morale ? Ce n’est pas évident, confesse Patrick de Gmeline. D’abord, les recruteurs ont connaissance du passé judiciaire du postulant. Ensuite, ils jaugeront leur degré de motivation. L’un des aspects de la morale, c’est d’être patriote, de croire en son pays, en son drapeau, de se montrer prêt à défendre la France et les Français."
• Existe-il des risques de dérapages ?
Malgré ces précautions, la réserve opérationnelle ne risque-t-elle pas d’accueillir dans ses rangs un volontaire un peu trop zélé ou une personne souhaitant accéder à des installations militaires ou policières pour y commettre un acte malveillant ?
À la police comme à la gendarmerie, on affirme avoir accès aux fameuses "fiches S" qui signalent des personnes susceptibles de porter "atteinte à la sûreté de l’État". Reste les individus qui, comme l’auteur de l’attentat de Nice, ne figurent pas dans le fichier mais peuvent passer à l’acte.
"Le risque zéro n’existe pas, estime Patrick de Gmeline. Mais les services spécialisés disposent d’un panel de renseignements officiels (identité, casier judiciaire, etc.) ainsi que des renseignements plus discrets venant des services spéciaux français et qui permettent de savoir si Claude Dupont ou Gérard Marchand est quelqu’un en qui on peut avoir confiance."
Pour limiter les risques, les volontaires, notamment ceux issus de la réserve citoyenne, sont affectés à des postes peu sensibles. "Ils sont davantage placés dans des endroits qui correspondent à leur formation et à leurs aptitudes, explique l’ancien chef de bataillon. Un cuisinier, par exemple, qui intègre la réserve opérationnelle ne sera pas sollicité pour manipuler un Famas [fusil d’assaut de l’armée française, NDLR] mais pour donner un coup de main dans une caserne ou une base où ils ont besoin de faire plus de repas que d’habitude. Les services spécialisés sont très attentifs à cela et font tout pour limiter au maximum les risques de débordements. Même si ça représente pas mal de boulot."