![Attentat de Nice : le tueur aurait-il pu être repéré à cause de ses recherches sur Google ? Attentat de Nice : le tueur aurait-il pu être repéré à cause de ses recherches sur Google ?](/data/posts/2022/07/21/1658415980_Attentat-de-Nice-le-tueur-aurait-il-pu-etre-repere-a-cause-de-ses-recherches-sur-Google.jpg)
Le tueur de Nice a fait des recherches très particulières sur Google, peu avant de commettre son attentat. Si elles démontrent la préméditation et son intérêt pour le jihadisme, elles n’auraient pas permis de l'arrêter.
“Vidéo chocs, âmes sensibles s’abstenir”, recherches relatives à la fusillade de Dallas ou la tuerie d’Orlando : Mohamed Lahouaiej Bouhlel, l’auteur de l’attentat de Nice du 14 juillet, avait un passif de requêtes sur Google chargé. Égrenés avec un souci évident du détail par le procureur de la République de Paris, François Molins lors de sa conférence de presse du 18 juillet, les mots-clefs tapés dans le célèbre moteur de recherche par le terroriste illustrent aussi bien le caractère prémédité de l’acte que l’intérêt pour l’islam radical.
Mohamed Lahouaiej Bouhlel , le tueur de Nice, a fait des recherches Internet sur des "vidéos chocs"
Mohamed Lahouaiej Bouhlel s’est renseigné en ligne sur les "horribles accidents mortels" et sur la location de camions et poids lourds, quelques jours avant de passer à l’acte. Il faisait également des recherches “quotidiennement” sur les vidéos de sourates ou de nasheed, des poèmes religieux devenus instruments de propagande pour des organisations terroristes comme l’organisation État islamique. Enfin, la police a retrouvé des “images très violentes montrant notamment des cadavres” et des photos d’Oussama Ben Laden et du jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar. Le tueur de la promenade des Anglais ne s’était donc pas contenter de "googliser" à tout-va, mais avait également consulté des sites extrémistes hébergeant ce type de contenus, quasiment impossible à trouver sur Google.
Le tueur de Nice avait des "photos très violentes, notamment de cadavres" sur son ordinateur
"Un certain degré de gravité nécessaire"
De quoi apporter, en apparence, de l’eau au moulin du dirigeant du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy. Il s'était plaint de l'adoption supposée tardive d'une loi sanctionnant la consultation de sites jihadistes.
Sauf qu’en l’occurrence, ce texte adopté il y a seulement un mois n’aurait pas permis de sanctionner Mohamed Lahouaiej Bouhlel ou de l’empêcher d’agir… du moins pour ses recherches sur Google. "Seul un certain degré de gravité dans les recherches et de répétitions sera répréhensible", explique Antoine Chéron, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies du cabinet ACBM. Se renseigner sur les sourates ou la tuerie d’Orlando ne serait, d’après cet expert, pas suffisant pour constituer ce délit passible d’une peine de prison de deux ans.
Mais il ne s’en est pas fallu de beaucoup. Dans la récente réforme pénale, qu'importe si le contenu incitant au terrorisme se trouve sur un site jihadiste, sur Google ou un réseau social. Dorénavant, "effectuer certaines recherches, avec une certaine fréquence, est devenu punissable en tant que tel, ce qui n’était pas le cas auparavant", souligne Antoine Chéron.
Attention aux dérives
Encore faut-il tomber sur des contenus haineux ou violents sur le célèbre moteur de recherche. L’armée de robots informatiques du géant du Web fait régulièrement le ménage dans les liens qui apparaissent en résultats d’une recherche. Mais avec Google Images et l’intégration du lecteur vidéo YouTube dans les pages de résultats, cette possibilité existe.
Cette extension du domaine du répréhensible à des sites aussi légitimes que Google, Facebook ou Twitter pourrait inquiéter l’internaute lambda. Quid de la simple curiosité qui, par mégarde, l’entraînerait à consulter des contenus visés par la loi ? Pour rassurer les foules, le législateur ne sanctionnera pas la "consultation de bonne foi". Difficile de définir les limites de cette notion, mais elle "devra être interprétée de manière souple et large par les juges, afin d’éviter que le délit de consultation habituelle ne devienne un outil de condamnation automatique des internautes", juge Antoine Chéron.
Le risque réside aussi dans la tentation pour les politiques dans le contexte d’émotion actuelle de réclamer l’application de ce nouveau délit à tort et à travers. Pour l’avocat français, cela "conduirait à condamner des personnes pas forcément dangereuses pour la société qui pourraient vivre la sanction comme une injustice, les amenant à se radicaliser, soit l’effet totalement inverse que celui poursuivi par le législateur".