Les habitants du Liberia sont partagés à l'heure où la mission des Nations unies quitte le pays, après plus de treize ans de présence. L'intégralité de la sécurité du pays sera dorénavant assurée par Monrovia.
La mission des Nations unies qui avait été déployée au Liberia en 2003 pour rétablir l'ordre à la suite de deux guerres civiles particulièrement meurtrières a mis fin officiellement, jeudi 30 juin, à ses opérations, suscitant la fierté chez les uns et la crainte chez les autres.
Le Liberia a dépendu fortement de la Mission des Nations unies au Liberia (Minul), qui a compté jusqu'à 15 000 casques bleus et a réduit ses tâches et ses effectifs ces derniers mois, jusqu'à ce que le contrôle soit officiellement transféré jeudi aux forces libériennes.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, "se félicite" de la reprise en main par le Liberia de sa sécurité, selon une déclaration de son porte-parole transmise à l'AFP. Il appelle "tous les partenaires à rester engagés et à continuer de soutenir le gouvernement libérien dans ses efforts de consolidation de la paix".
Ce transfert de compétences en matière de sécurité partage les Libériens : certains sont fiers de voir leur pays recouvrer une mission régalienne, mais d'autres sont plus sceptiques et préfèreraient que cela relève "pour toujours" des Nations unies.
"Le dispositif libérien est prêt à assumer cette grande responsabilité", assure à l'AFP le ministre de l'Information, Eugene Nagbe, balayant les craintes et doutes exprimés par ses compatriotes.
Satisfaction au sein des milieux officiels
D’une manière générale, les milieux officiels se réjouissent de ce passage de relais, à l'instar de Dao Freeman, chef adjoint de la police nationale. Ce dernier est issu des premières promotions de la police refondée, sensibilisée à la lutte contre la corruption et au respect des droits de l'homme.
"Je crois que nous pouvons assumer la responsabilité de la sécurité du Liberia", a-t-il déclaré, estimant toutefois qu'en raison de leurs faibles effectifs, les forces libériennes devraient continuer à se former et être dotées de moyens.
Selon un rapport de l'ONU, les forces libériennes comptaient 5 170 policiers et 2 050 militaires à la mi-février. À la même date, la Minul comptait 1 155 policiers et 3 371 militaires, des effectifs appelés à se réduire progressivement.
Mais leurs moyens ne sont pas les mêmes. Le budget de l'État libérien pour la sécurité est estimé à 90,8 millions de dollars (plus de 81,6 millions d'euros) dans la loi de Finances 2016-2017 devant encore être approuvée par le Parlement. Soit moins d'un quart du budget annuel de la Minul, de 344,7 millions de dollars (plus de 310 millions d'euros).
"Moi, je préfèrerais que la Minul reste"
Par conséquent, certains habitants se disent peu rassurés par ce transfert de compétences et racontent d'amères expériences de racket, corruption ou abus de pouvoir par des porteurs d'uniformes, eux-mêmes mal payés et sous-équipés. Avec la palme de la mauvaise réputation pour les policiers.
Catherine Gayflor, vendeuse à l'étal, évoque des saisies arbitraires de marchandises de certains de ses collègues par des forces de l'ordre et est sceptique, d'autant qu'elle a vu, dit-elle, "comment nos policiers pouvaient nous battre".
John Gweh, agriculteur, affiche ouvertement sa méfiance envers les forces libériennes. "Moi, je préfèrerais que la Minul reste" en charge de la sécurité, clame-t-il.
Même la présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, a déclaré à Reuters que beaucoup avait été fait pour préparer la transition mais que cela n'était pas suffisant à ce stade. "Les contraintes des ressources ne nous ont pas permis d'aller aussi loin que nous aurions aimé en termes de formation à la sécurité, de logistique et de soutien à nos forces de sécurité", a-t-elle estimé.
Selon l'ONU, "la situation en matière de sécurité" au Liberia est généralement "stable", en dépit de difficultés pour les institutions libériennes "à intervenir avec rapidité et efficacité en cas d'atteintes violentes à l'ordre public".
À partir de vendredi, 1 240 soldats et 606 policiers des Nations unies resteront sur le terrain au Liberia, mais ils ne seront là que pour intervenir en cas d'urgence.
Avec AFP et Reuters