Le gouvernement et les syndicats se livrent un nouveau bras de fer : la préfecture souhaite limiter la mobilisation de jeudi contre la réforme du travail à un rassemblement statique à Paris, tandis que les syndicats veulent maintenir le défilé.
Manifestation statique ou en mouvement ? Telle est la question. Lundi 20 juin, la préfecture de police de Paris a demandé aux anti-Loi travail d'organiser un "rassemblement statique" place de la Nation, plutôt qu'un défilé jeudi prochain, afin de pouvoir "mieux encadrer et mieux sécuriser la manifestation et faire en sorte qu'il y ait moins de dégradations".
Une proposition qui s'est heurtée à un "refus catégorique" des syndicats d'Île de France (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, Fidl et UNL). Ils ont annoncé mardi qu'ils allaient faire des "propositions alternatives de parcours" pour le défilé qu'ils prévoient jeudi 23 juin.
En fin de semaine dernière, l'intersyndicale une demande officielle pour manifester jeudi entre Bastille et Nation à partir de 14 heures, dans le cadre d'une journée de mobilisation à travers la France.
"Une fan zone syndicale"
Dans une lettre au numéro un de la CGT, Philippe Martinez, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a jugé qu'un cortège à Paris "n'apparaissait pas envisageable". Mais les syndicats ont maintenu leur demande de défilé à la préfecture, qui les a à nouveau invités à "trouver un accord sur un rassemblement statique", faute de quoi elle "sera dans l'obligation d'interdire" la manifestation. "Je ne suis pas sûr qu'une ‘fan zone’ syndicale sur la (place de la) Nation soit plus sécurisée qu'une manifestation", a fait valoir le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, sur Canal +, se disant "prêt à discuter du parcours" avec les autorités.
Depuis le début de la contestation anti-Loi travail début mars, les manifestations ont souvent été émaillées de violences à Paris, de même qu'à Nantes et à Rennes. Le 14 juin, jour d'une manifestation nationale, première du genre, la violence est montée d'un cran dans la capitale, avec d'importantes dégradations le long du cortège : 28 vitrines d'établissements commerciaux ont été brisées, et l'hôpital Necker-Enfants malades a été pris pour cible. Quelque 28 fonctionnaires de police ont été blessés dont deux ont dû être hospitalisés, souligne Bernard Cazeneuve dans sa lettre à la CGT.
Selon le ministre de l'Intérieur, cette manifestation a, "pour la première fois, mis clairement en évidence la participation de certains militants syndicaux à l'agression délibérée des forces de l'ordre".
Dès le lendemain du 14, François Hollande a averti qu'il n'y aurait plus d'autorisation de manifester si la préservation des "biens et des personnes" ne pouvait être "garantie". Manuel Valls a pointé la "responsabilité" de la CGT, critiquant son attitude "ambiguë" vis-à-vis des casseurs et dimanche, il a de nouveau estimé que "les organisateurs devraient annuler eux-mêmes ces rassemblements".
"Manuel Valls se comporte en pyromane"
Ces propos ont déclenché un tollé chez les syndicats et une partie de la gauche. La CGT a dénoncé des accusations "inacceptables", "signe d'un gouvernement aux abois". Le syndicat "ne porte aucune responsabilité sur ce qui se passe en marge des manifestations", a insisté Philippe Martinez, qui s'est interrogé sur des ordres de non intervention qui seraient donnés aux forces de police.
"Manuel Valls se comporte en pyromane", a affirmé Jean-Claude Mailly. Même Laurent Berger, leader de la CFDT, qui soutient la Loi travail, estime qu'interdire de manifester n'est "pas du tout souhaitable".
Avant toute éventuelle interdiction, une pétition en ligne intitulée "Je ne respecterai pas l'interdiction de manifester" a été lancée la semaine dernière par Jean-François Téaldi, conseiller municipal PCF/FG de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Lundi elle affichait 120 000 signatures. Le Parti communiste a appelé dans un communiqué à "participer aux mobilisations" et à "étendre la solidarité avec le mouvement".
En revanche, le gouvernement a reçu le soutien de l'opposition, le parti Les Républicains appelant à "l'interdiction" de la manifestation.
De nombreuses manifestations sont déjà prévues ailleurs en France jeudi, sans menaces d'interdiction. Le projet de Loi travail est actuellement examiné au Sénat. Le vote solennel doit avoir lieu le 29 juin, au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation.
Avec AFP