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Au Refugee Food Festival, dix restaurants parisiens accueillent sept chefs réfugiés pour un métissage gastronomique

Pour changer de regard sur la crise des migrants, dix restaurants parisiens ouvrent leurs cuisines à des chefs réfugiés. Du Sri Lanka à la Syrie, en passant par la Tchétchénie, le Refugee Food Festival métisse la gastronomie à partir du 17 juin.

"Avec le concassé d'agneau de Mohammad, le kebbé nayé, on va faire une anguille fumée et grillée. J'aime associer la terre et la mer". Au restaurant L'Ami Jean, Stéphane Jégo prépare un menu à quatre mains avec un autre chef, Mohammad El Khaldy, réfugié syrien.

Les deux cuisiniers participent au Refugee Food Festival, qui commence vendredi 17 juin. Le principe : dix restaurants parisiens (Inaro, les Marmites volantes, Le Petit Bain…) ouvrent leurs cuisines à sept chefs réfugiés d'origine syrienne, tchétchène, sri-lankaise, iranienne, indienne, ivoirienne, pour "changer de regard" sur la crise des migrants.

À l'Ami Jean, dans le 7e arrondissement de Paris, ambiance chaleureuse et décoration rustique, les deux hommes imaginent le menu du déjeuner et du dîner qui seront servis le 21 juin, dernier jour du festival. Entre le chef français et le chef syrien qui s'exprime en anglais, le dialogue se fait par l'intermédiaire de traducteurs… et de smartphones : Mohammad montre des photos des plats qu'il aimerait faire.

Il veut des aubergines de petite taille pour les farcir. "Et si on ne trouve que des aubergines classiques, ça irait ?" "Non". Finalement, il se laisse convaincre de les remplacer par des petites courgettes marinées, qui seront farcies au bœuf de Galice.

"Et tu n'as pas une idée de potage ? Ici, on commence toujours le menu par une soupe", demande Stéphane. Mohammad propose une soupe de lentilles corail avec kebbé aux épinards, qu'il dessine sur une feuille blanche devant lui. Adoptée.

"La gastronomie, c’est universel !"

Les deux chefs font fusionner leurs cuisines, l'entente se fait. "I speak English very nice good", s'amuse Stéphane Jégo, qui trouve "naturel" de participer à ce festival. "L'idée, c'était d'apporter un regard positif sur des événements dramatiques", explique-t-il. "Il ne s'agit pas de jouer les Saint-Bernard, mais on fait les choses à notre échelle", ajoute le chef d'origine bretonne, dont le second de cuisine est japonais: "Ici, j'ai une équipe internationale. La gastronomie, c'est universel."

"Je suis syrien, je suis quelqu'un de bien, j'ai quelques talents, c'est le message que j'essaie de faire passer", résume quant à lui Mohammad El Khaldy, qui explique avoir quitté son pays avec sa famille en 2012 pour fuir les bombes et les menaces du régime.

Cuisinier et "designer alimentaire", il avait un restaurant, une marque, et intervenait dans des émissions de télévision, raconte l'homme de 36 ans, originaire de Damas, qui a "tout perdu. Au terme d'un périple qui l'a mené notamment au Liban et en Égypte, il est arrivé en France en août 2015 avec sa femme et ses trois enfants, en quête d'une "nouvelle vie" au pays de la gastronomie. "Au Moyen-Orient, on considère la cuisine française comme la cuisine de référence."

Embauché par l'entreprise sociale Les Cuistots Migrateurs depuis qu'il a pu obtenir son statut de réfugié en mars, ce père de trois garçons de 4 à 11 ans, reconnaît qu'il est "dur" de repartir de zéro. Son but désormais est d'apprendre quelques techniques de cuisine française et d'ouvrir son propre restaurant. "Paris manque de bons chefs syriens, juge-t-il. On trouve de la bonne cuisine, mais ce n'est pas l'originale !"

Dans le cadre de cette première édition du Refugee Food Festival, il cuisine également vendredi au Freegan Pony, cantine participative du 19e arrondissement proposant des menus à partir des invendus de Rungis, et concocte un brunch dimanche chez Poulette, dans le quartier des Halles.

Avec AFP