Le 16 juin 1976, des milliers d'écoliers étaient descendus dans les rues du township de Soweto pour dénoncer l'imposition dans l'enseignement de l'afrikaans, la langue de l'oppresseur. La police avait riposté, entraînant un bain de sang.
Il y a 40 ans jour pour jour, l’Afrique du Sud vivait un jour déterminant dans son histoire. Le 16 juin 1976, des milliers d'écoliers et d'étudiants avaient manifesté dans le township de Soweto pour protester contre l'introduction d'un enseignement dispensé en afrikaans, la langue des oppresseurs blancs. La police du régime raciste avait alors ouvert le feu.
Soweto s'était embrasé, et le reste du pays dans la foulée. La répression avait fait plus de 500 morts en quelques mois. Cette date marque un tournant décisif dans la lutte contre le régime raciste. Le monde commence en effet à prendre des sanctions contre le régime. En 1977, l'ONU décrète un embargo sur la vente d'armes à l'Afrique du Sud. Il faudra cependant attendre 1994 pour voir chuter le régime honni, et Nelson Mandela accéder au pouvoir.
Quarante ans plus tard, pour la première fois, d'anciens militaires blancs, qui n'étaient pas à Soweto en 1976 mais ont été forcés de faire leur service militaire pendant les années d'apartheid, ont commémoré samedi 11 juin, avec des Noirs, le soulèvement.
"On est triste pour ce qui s'est passé il y a quarante ans. Nous sommes désolés que des gens souffrent encore (...) On peut présenter des excuses pendant un siècle, ça ne changera rien", explique Jan Malan, président de l'Association des forces de défense (SADFA) qui compte un millier d'anciens conscrits. "Il est temps d'entamer une nouvelle ère et de commencer à construire l'Afrique du Sud que nous voulons", dit-il.
À ses côtés, une poignée seulement d'ex-soldats, cheveux grisonnants, tous impeccablement vêtus en costume bleu marine, cravate assortie et chemise blanche. Aucun policier de l'ancien régime n'est présent. Leur absence aujourd'hui "ne contribue pas à reconstruire la nation", regrette Joy Rabotapi, grand gaillard réservé. En revanche, la présence d'anciens soldats est "un pas positif" dans un pays encore "polarisé racialement", comme en témoignent de récents commentaires racistes sur les réseaux sociaux.
Les limites de la réconciliation
L'unité en Afrique du Sud, pays meurtri par des décennies de discrimination envers la majorité noire, montre ainsi ses limites. Le stade de Soweto, où se sont succédé plusieurs intervenants dont le maire de Johannesburg Parks Tau, était quasi vide ce samedi. Seules quelques centaines de personnes avaient fait le déplacement. Une goutte d'eau dans un stade de 40 000 places. "C'est très frustrant", concède Fouche Dewet, un pasteur assis dans une rangée vide.
Le révérend Zipho Siwa, président de la SACC, refuse de baisser les bras. La très faible participation témoigne de la "nécessité" de se réconcilier, 22 ans après la fin officielle du régime ségrégationniste. "Les gens ne sont jamais prêts à le faire. Certains sont en colère. Certains sont blessés. Aujourd'hui n'est pas la fin du chemin, assure-t-il. C'est une invitation à avancer sur le chemin."
Avec AFP