François Hollande et Manuel Valls ont envisagé d'interdire les manifestations si les violences continuent et si la préservation des "biens et des personnes" ne peut être "garantie". Une sortie qui a suscité l'ire de la CGT.
Le ton est monté d'un cran dans la bataille du projet de loi Travail : l'exécutif a menacé mercredi 15 juin d'interdire les manifestations, au lendemain des violences et de dégâts importants qui ont eu lieu en marge du défilé parisien contre la Loi travail.
La manifestation nationale organisée mardi par sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL, FIDL), a été marquée par de violents affrontements entre des casseurs et la police. Des dégradations ont aussi été commises contre l'hôpital Necker-Enfants malades. Au moins 29 policiers et 11 manifestants ont été blessés.
Après ces violences, François Hollande a annoncé qu'il n'y aurait plus d'autorisation de manifester si la préservation des "biens et des personnes" ne pouvait être "garantie". "Pour l'instant elles ne le sont pas, à ce moment-là les décisions seront prises au cas par cas de ne pas autoriser les manifestations", a insisté le chef de l'État. Plus tôt, Manuel Valls s'en était pris directement à la "responsabilité" de la CGT, qui "à l'évidence, était débordée".
Manifester est un droit fondamental
"Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestations sur Paris [...] Nous prendrons, nous, nos responsabilités", a prévenu le Premier ministre.
Mais interdire les manifestations, est-ce possible ? En théorie, non. Manifester est un droit fondamental garanti par la Constitution. Mais en période d’état d’urgence, ce droit évolue. Depuis la loi de 1955, "le ministre de l’Intérieur, pour l’ensemble du territoire où est institué l’état d’urgence, et le préfet, dans le département" peuvent interdire "à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre".
Plusieurs manifestations avaient d'ailleurs été interdites à l'occasion de la COP 21 "pour des raisons de sécurité". Concrètement donc, le gouvernement pourrait user de ce pouvoir puisque le pays est sous état d’urgence jusqu’au 26 juillet 2016.
Ire des syndicats
Réalisable ou non, la menace passe mal auprès des syndicats. Pour la CGT, il incombe "aux pouvoirs publics" dont Manuel Valls "a la première responsabilité, d'assurer la sécurité et le maintien de l'ordre".
"Comme il n'est pas de la responsabilité des supporters d'assurer la sécurité dans et autour des stades de l'Euro de football, de la même façon il n'est pas de la responsabilité des manifestants d'assurer la sécurité dans et autour d'une manifestation autorisée par la préfecture de police", écrit-elle dans un communiqué.
"Alors qu'on interdise l'Euro !", s'est emporté Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, qui ne comprend pas "qu'un gouvernement de gauche puisse envisager d’interdire des manifestations organisées par des syndicats".
Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, y voit une "tentative d'essayer de diviser et d'instrumentaliser au lieu de débattre des vraies questions". Pour la présidente du groupe Communiste, républicain et citoyen (CRC) au Sénat Eliane Assassi, l'exécutif "porte atteinte au droit constitutionnel de manifester".
La rue semble rester le dernier moyen de pression dont disposent les opposants pour infléchir la position du gouvernement sur un texte dont ils exigent le retrait. Les grèves, qui avaient pris ces dernières semaines le relais des manifestations dans des secteurs clés (raffineries, déchets, trains...), s'éteignent peu à peu.
Avec AFP