Les résultats préliminaires d’une enquête sur la santé mentale des victimes des attentats de janvier 2015 en France ont révélé que près de 4 personnes sur 10 souffraient toujours de troubles de la santé mentale six mois après.
Six mois après les attentats de janvier 2015 qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, causant la mort de 17 personnes, près de quatre civils sur dix touchés par les attaques présentaient toujours au moins un trouble de la santé mentale.
C’est ce que révèlent les premiers résultats, publiés lundi 6 juin d’une enquête réalisée par Santé publique France et l’Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France du 1er juin au 31 octobre 2015 sur 190 civils et 232 professionnels touchés directement ou indirectement par ces attaques.
Parmi les victimes civiles, 20 % des personnes affichaient les symptômes d’un état de stress post-traumatique, 30 % souffraient de troubles anxieux et 10 % présentaient les signes d’une dépression caractérisée.
Par ailleurs, environ un tiers de ces personnes n’ont pas pu travailler à la suite des attentats en raison de leur état de santé et 6 % d’entre elles n’avaient pas repris le travail six mois après les attaques.
"Le trouble de stress post-traumatique, ou PTSD, est une condition dans laquelle votre système nerveux se met en alerte. Ce processus est lié à une menace de mort et provoque alors des symptômes tels que l'hyper-vigilance", explique le colonel Stéphane Buffat, médecin militaire à l'Institut de recherche biomédicale des armées (Irba).
Pour lui, il n’est pas exceptionnel que les symptômes persistent après plusieurs mois. Il rappelle que le PTSD peut se développer plusieurs années après le traumatisme et souligne que l’acceptation du traumatisme est "toujours un processus entièrement individuel".
Impact moins important chez les professionnels
L’une des principales conclusions de l’enquête réside dans le fait que les personnes ayant reçu une prise en charge précoce présentaient deux fois moins de troubles que les autres six mois après les attentats. Or, selon Santé publique France et l’ARS, seuls 4 % des victimes ont consulté un professionnel médical d’elles-mêmes.
Pour Stéphane Buffat, cela peut s’expliquer par le syndrome du survivant, décrivant le "mélange de honte, de remords et d’angoisse" que peuvent ressentir les personnes qui ont échappé à une attaque alors que d’autres sont mortes juste à côté d’elles.
Ces résultats montrent "l'importance d'une prise en charge à la fois précoce et active" a commenté Stéphanie Vandentorren, responsable de la cellule d'intervention Île-de-France de Santé publique France qui a participé à l'étude.
"Il faut aller chercher les personnes impliquées qui, dans leur grande majorité, ne consultent pas spontanément" et "consolider" la prise en charge dans le temps, avec des médecins de ville (psychiatres ou médecins traitants) capables de prendre le relais, ajoute-t-elle.
Selon les premiers résultats de l’enquête, l’"impact psycho-traumatique a été moins important chez les professionnels (sapeurs-pompiers, forces de l’ordre et de l’intervention, secours médico-psychologiques et secours associatifs)". Parmi ces intervenants, "3 % déclarent un état de stress post-traumatique et 14 % ont au moins un trouble anxieux du type anxiété ou agoraphobie."
Cette meilleure gestion du stress serait due aux formations dont ont bénéficié les services qui ont été concernés par les attentats.
Dans leur conclusion, l’ARS Île de France et Santé publique France appellent donc de leurs vœux une généralisation des formations à la gestion du stress et aux conséquences psycho-traumatiques.
"Cela ne pourrait pas faire de mal", estime Stéphane Buffat. "Il est important d’avoir de la préparation pour pouvoir faire des actions réflexes […] Cela pourrait aussi permettre de verbaliser les risques [de développer des troubles psychiques] par la suite".