La double récompense du film "Le Client", de l'Iranien Asghar Farhadi, critiqué pour son côté "moralisateur" en France, mais distingué par le prix du meilleur scénario et le prix d’interprétation masculine à Cannes, fait la fierté des Iraniens.
La double récompense du film iranien "Le Client" d'Asghar Farhadi, dimanche 22 mai, en clôture du 69e Festival de Cannes, a suscité l’enthousiasme des Iraniens sur les réseaux sociaux. Une avalanche de tweets est venue saluer le prix du meilleur scénario et le prix d'interprétation masculine décérné à Shahab Hosseini, l'acteur principal.
Maintes fois partagée par les Iraniens, la vidéo du discours de Shahab Hosseini, qui commence par remercier Dieu, sa famille, puis le peuple iranien, a été largement saluée. "Ce prix, je le dois à mon peuple donc de tout mon cœur avec tout mon amour, c'est à lui que je le rends", a déclaré le comédien. Le réalisateur et scénariste de 44 ans, Asghar Farhadi a tenu, lui aussi, a adresser un message à ses compatriotes. "Mes films ne sont pas connus pour être joyeux", a-t-il souligné, ajoutant qu’il espérait que son film "apporte de la joie" au peuple iranien.
Lundi matin, plusieurs quotidiens iraniens, à tendance réformatrice, leur rendaient hommage en leur consacrant leur une.
Un film trop moralisateur ?
Pourtant, "Le Client" de Farhadi ne fait pas l’unanimité des critiques en France. Dans son film, le réalisateur raconte l'histoire d'Emad (Shahab Hosseini) et Rana (Taraneh Alidousti), un couple de comédiens qui se trouve contraint de quitter son appartement à Téhéran en raison de travaux dans leur immeuble. Le couple emménage dans un nouveau logement, dont l'ancienne locataire était prostituée. Un soir Rana est agressée alors qu’elle prend une douche dans le nouvel appartement. Son mari décide de mener l'enquête.
Dans ce drame moral et social aux allures de thriller psychologique, le cinéaste reprend les ingrédients qui font sa marque de fabrique : personnages issus de la classe moyenne, discorde domestique, observation des relations humaines et sociales. Ce qui semble-t-il a agacé certains critiques français du cinéma, comme Pierre Murat de Télérama qui lui trouve, à force, un côté "moralisateur" ou encore Thomas Sotinel du Monde qui souligne la lourdeur du "choix moral" des personnages du film au détriment de leur humanité.
L’embrassade interdite avec Bérénice Béjo
Asghar Farhadi est-il perçu à tort comme un cinéaste iranien trop policé ? "Il est vrai qu'on n'a pas une liberté totale du choix des sujets que l'on veut aborder" a admis Asghar Farhadi, interrogé depuis Cannes à propos des difficultés de tourner à Téhéran. Pourtant, en dépit des contraintes de tournage inhérentes aux lois islamiques du pays, le réalisateur a choisi de tourner son film en Iran, où le scénario a dû être approuvé par l'État.
Cependant, le réalisateur iranien n’est pas particulièrement apprécié des ultra-conservateurs qui lui cherchent des poux à la moindre occasion. Il y a trois ans, à Cannes, lorsque son actrice Bérénice Bejo remporte le prix d'interprétation féminine pour son rôle dans le film "Le Passé", la Française embrasse le réalisateur iranien avant de récupérer sa récompense. Ce geste, anodin en France, ne fut pas du goût des autorités iraniennes. Un site d'information proche des Gardiens de la Révolution l'avait alors accusé de faire la "grimace aux valeurs éthiques et religieuses", et ce "devant les caméras du monde entier". Le réalisateur s’était vu confisquer son passeport à sa descente d'avion à Téhéran.
Avec AFP