La cérémonie de clôture de la 69e édition du Festival de Cannes a consacré Ken Loach pour son film "Moi, Daniel Blake". C'est la deuxième fois que le réalisateur britannique reçoit la célèbre récompense, après "Le Vent se lève" en 2006.
George "Mad Max" Miller a parlé. Son jury a attribué, dimanche 22 mai, la Palme d’or du 69e Festival de Cannes à "Moi, Daniel Blake", de Ken Loach. À 79 ans, le cinéaste britannique rejoint ainsi le club des réalisateurs deux fois palmés (la première, c’était il y a tout juste dix ans pour "Le Vent se lève").
En sacrant ce drame social, les jurés ont certainement voulu donner une portée politique à cette édition 2016 du Festival. "Moi, Daniel Blake" suit en effet l’histoire d’un menuisier en invalidité qui se bat contre la machine bureaucratique pour récupérer ses indemnités. C’est un pur produit de Loach, donc. Mais qui a davantage la dent dure que ces derniers long-métrages. Le film est un réquisitoire en règle contre l’État oublieux des plus démunis. Il n’est même que cela, d’où la limite du film. Et notre surprise, pour ne pas dire notre déception, à le voir obtenir le Saint-Graal.
De fait, le palmarès rendu par George Miller et ses huit compagnons de route compte beaucoup (trop) d’oubliés. La plus grande surprise étant l’absence, parmi les récompensés, de "Toni Erdmann", chouchou de la critique et des bookmakers. La comédie de la réalisatrice allemande Maren Ade, dont c’était la première compétition, n’a, semble-t-il, pas suffisamment fait rire les jurés. La sanction est en tout cas sévère. Elle l’est aussi pour "Elle", de Paul Verhoeven (le sujet était sûrement trop sensible), "Julieta" de Pedro Almodovar et "Loving" de Jeff Nichols, tous trois écartés.
On ne s’y attendait pas non plus : le prix d’interprétation féminine remis à la Philippine Jaklyn Jose, l’actrice de "Ma’Rosa", de Brillante Mendoza (film que nous n’avons pas vu). Une distinction qu’aucun festivalier n’avait prédit durant cette quinzaine où les performances d’actrices ont été nombreuses (Sonia Braga, dans "Aquarius", Sandra Hüller, dans "Toi Erdmann", Isabelle Huppert, dans "Elle", Ruth Negga, dans "Loving"). Sacré contre-pied du jury.
Un peu plus attendu, le prix d’interprétation masculine revient à l’Iranien Shahab Hosseini, l’acteur de "Le Client", drame puissant qui a également valu à son réalisateur Asghar Farhadi le prix – mérité – du scénario. Par ces deux sacres de comédiens inconnus du star-system occidental, les neuf Sages marquent leur palmarès du sceau de la diversité. L’intention est louable.
Très agacé par l’accueil critique mi-figue mi-raisin qu’a reçu son film "Juste la fin du monde", Xavier Dolan s’adjuge le Grand Prix, sorte de médaille d’argent de la compétition. Huis-clos familial au casting français cinq étoiles (Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel), le dernier long-métrage du prodige québécois est un concentré de son cinéma : surexcité, grandiloquent, attachant et agaçant. Le film déroute davantage qu’il ne subjugue (on regrette "Laurence Anyways").
La remise du Prix du jury (médaille de bronze) à Andrea Arnold et son fastidieux road-teen-movie "American Honey" constitue une autre déception du palmarès. À croire que, contractuellement, la réalisatrice britannique ne peut pas quitter la Croisette sans un Prix du jury dans ses valises (c’est son troisième).
Cristian Mungiu est aussi de ces habitués de la compétition qui partent systématiquement de Cannes avec un diplôme en poche. Lauréat de la Palme d’or 2007 avec "4 mois, 3 semaines, 2 jours", le cinéaste roumain a reçu il y a quatre ans le prix du scénario pour "Au-delà des collines". Cette année, c’est le prix de la mise en scène qui lui est revenu pour "Baccalauréat", un film à la Dardenne sur les contradictions d’un père prêt à corrompre (et se corrompre) pour le bien de sa fille. Un prix qu’il partage avec le seul Français récompensé, Olivier Assayas, venu à Cannes avec une haletante mais bancale histoire de fantômes, "Personal Shopper". Un ex-aequo plus pertinent de la part des jurés. Dommage qu’il n’ait été davantage inspiré dans les plus prestigieuses catégories.
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