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Irak : retour à Nadjaf, l’ostracisée redevenue ville sainte et rebelle

On la surnomme "le Vatican du chiisme". Toute l’année, la ville de Nadjaf, au sud de l’Irak, attire des millions de pèlerins venus se recueillir sur le tombeau de l’imam Ali, cousin et gendre de Mahomet. La ville sainte irakienne, ostracisée sous Saddam Hussein, est connue pour avoir été le point de départ de l’insurrection contre l’invasion américaine, en 2004. Notre reporter est retourné à Nadjaf, où les milices sont désormais en guerre contre l’organisation État islamique.

Il y a 1 300 ans, ce n’était encore qu’un simple talus, une tombe anonyme logée dans une oasis du sud de l'Irak. Jusqu'à ce qu'un calife, au cours d’une partie de chasse, la remarque et décide de s'y intéresser... La sépulture du premier imam des chiites, l’imam Ali, était mise à jour. Autour de ce tombeau s’est bâtie l’une des plus grandes villes d’Irak : Nadjaf, qui compte aujourd'hui un million d’habitants. Chaque année, des millions de pèlerins venus du monde entier affluent dans la vieille ville, autour du mausolée d’Ali, une mosquée recouverte d’or.

Pendant longtemps, Nadjaf a pourtant été oubliée, désertée, voire ostracisée. Saddam Hussein y a interdit les pèlerinages et fait assassiner des milliers de chiites, dont plus de 9 000 religieux. À la chute du régime du dictateur, Nadjaf prend les armes. C’est ici que naît l’insurrection contre les Américains.

En 2004, des dizaines de milliers de combattants chiites, menés par le jeune imam Moqtada Sadr, établissent leur place forte dans le mausolée de l’imam Ali. Les Américains encerclent la ville. La bataille de Nadjaf entre dans l’Histoire.

Une ville en pleine expansion

Après des semaines de bombardements, une trêve est négociée. Les rebelles, épuisés par les combats, s’échappent du blocus et forment l’armée du Mahdi, un groupe armé chiite qui devient le cauchemar de l’armée américaine.

Douze ans plus tard, le voyageur qui arrive à Nadjaf est tout d’abord frappé par les grues et les chantiers qui parsèment une ville en pleine expansion. Par la foule de visiteurs aussi. Des pèlerins venus par millions, du monde entier, pour se recueillir devant la tombe de leur premier imam. Pour le voyageur habitué au reste de l’Irak, la quasi absence de check-points des forces de sécurité est enfin surprenante. Ici, la guerre semble loin.

Mais au cimetière de la ville, le conflit le rattrape. Avec cinq millions de chiites inhumés dans sa terre, Nadjaf concentre la plus grande nécropole musulmane au monde. Et les tombes fraîches de combattants s’alignent à perte de vue. Ils ont été tués par leur nouvel ennemi, l’organisation État islamique. En 2014, un imam de Nadjaf, Ali Sistani, avait lancé une fatwa appelant les chiites à former des milices et à combattre les jihadistes sunnites. Des dizaines de milliers d’hommes de Nadjaf ont répondu à l’appel.

Nous vous proposons un voyage dans une ville aux deux visages, sainte et rebelle, qui, douze ans après l’une des épisodes les plus sanglants de son histoire, renaît peu à peu de ses cendres tout en continuant à se battre.