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L'islam, l'extrémisme et l'EI vus par les Nord-Africains

Retour sur une étude publiée le 10 mai et traitant des relations des habitants des cinq pays d'Afrique du Nord avec l’islam, la charia, l'islamisme et le jihadisme.

C’est une étude riche en enseignements et qui bat en brèche un certains de nombre de clichés sur les habitants des cinq pays d'Afrique du Nord, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Égypte, et leurs rapports avec l’islam.

Pratique religieuse, charia, islamisme, jihadisme, tous les sujets ont été abordés par cette étude intitulée "Religion et politique en Afrique du Nord", qui a été publiée le 10 mai. L’enquête par sondages téléphoniques, sur un échantillon de "1 000 citoyens par pays", âgés de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, a été réalisée en décembre 2015 par l'institut tunisien Sigma en collaboration avec l'Observatoire arabe des religions et des libertés et la Fondation Konrad-Adenauer.

De l’importance de l’islam dans la vie quotidienne

Il en ressort qu’une majorité des Nord-Africains se disent favorables à "la séparation entre la religion et la politique", tout en reconnaissant l'importance de l'islam dans leur vie quotidienne.

D'après les résultats des sondages, une écrasante majorité des sondés - de 95,8 % en Libye à 74,4 % en Tunisie - juge que l'islam est "très important dans leur vie". Ils sont également très nombreux à affirmer avoir une pratique régulière de leur religion : plus de huit sondés sur dix en Égypte et en Libye disent, par exemple, prier "régulièrement".

Dans le même temps, ils sont majoritairement favorables, dans chacun des cinq pays, à "la séparation entre la religion et la politique". De 54,8 % au Maroc, ce taux atteint 71,2 % en Égypte et 72,8 % en Tunisie.

Dans un pays comme la Libye, "l'application de la charia est fortement revendiquée, à 78,7 %, et pourtant la majorité de sa population veut la séparation entre la religion et la politique", a relevé lors d'une conférence de presse Mohamed Haddad, le président de l'Observatoire arabe des religions et des libertés. Selon lui, cela prouve que "des pays peuvent être très conservateurs" sans forcément "adhérer à l'islam politique".

La Tunisie se singularise de ses voisins

Sans surprise, sur plusieurs points, la Tunisie est de loin le pays le moins conservateur de la région : la majorité des sondés (57,6 %) estime que l'islam a un "impact négatif" sur la "vie politique" dans leur pays. Les Tunisiens se singularisent aussi de leurs voisins en étant les plus nombreux à "désapprouver l'intervention des imams dans la vie politique" (75,6 %, contre 51 % en Algérie et 37,2 % au Maroc). Seuls 23,4 % des Tunisiens se disent favorables à l’application de la charia. Mais, paradoxalement, la Tunisie se classe bon dernier lorsque les sondés sont interrogés sur la nécessité, ou pas, d’accorder les mêmes droits aux citoyens d’un même pays, quelle que soit leur religion.

Les sondés des cinq pays se retrouvent en revanche au moment de définir "l'extrémisme religieux" : "une mauvaise interprétation de l'islam", voire une "calomnie". Mais il est aussi le résultat du "chômage" et de la "pauvreté", avancent 21,2 % des Tunisiens.

L’Afrique du Nord unanime contre l’EI

À propos de l'organisation jihadiste de l’État islamique (EI) les opinions sont unanimes. "La première chose qui vient à l'esprit" des sondés est le mot "terrorisme" (de 64 % en Tunisie à 35,4 % en Égypte), suivi de "barbarie".

Quel que soit le pays, ils sont plus de neuf sondés sur dix à avoir une "très mauvaise" ou une "plutôt mauvaise" image de l'EI - de 89,5 % en Égypte à 96,1 % en Tunisie, qui est l'un des principaux pays pourvoyeurs de combattants jihadistes en Syrie. Même tendance en Libye, où le groupe terroriste est implanté dans plusieurs régions du pays.

Avec AFP