Le conseil d’administration de Renault a maintenu la rémunération de son PDG contre l’avis de l’assemblée des actionnaires. Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, en colère, menace de recourir à la loi. Mais laquelle ?
C’est un passage en force qui ne passe pas. La décision du conseil d’administration de Renault de verser à son PDG, Carlos Ghosn, une rémunération de 7,25 millions d’euros annuels contre l’avis de l’assemblée générale des actionnaires met Bercy en émoi. Les critiques sont d’autant plus vives que Carlos Ghosn cumule son salaire chez Renault avec celui de patron de Nissan, pour un total d’environ 15 millions d’euros en 2015.
Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron a attendu la séance des questions au gouvernement mardi 3 mai pour se faire menaçant. Il a demandé au conseil d’administration de Renault de tirer "toutes les conséquences" du vote des actionnaires sans quoi il envisage de recourir à l’arme législative.
Le dernier mot aux actionnaires ?
Il ne lui reste, en effet, que la loi pour agir. L’État, qui détient 19 % du capital de Renault, a renoncé en décembre à son droit de vote double (qui permet de bloquer une décision du conseil d’administration) sur les questions non stratégiques, ce qui inclut la fixation de la rémunération du PDG.
Mais Emmanuel Macron n’a pas précisé comment la loi pourrait changer la donne. Le candidat à la primaire des Républicains Bruno Le Maire a donné une piste : "sur les salaires des patrons, je souhaite que les décisions des assemblées générales des actionnaires deviennent contraignantes", a-t-il déclaré mercredi sur France Info. Les actionnaires de sociétés du CAC 40 n’ont, depuis 2013, que le droit de donner un avis consultatif sur les rémunérations des dirigeants.
L’épisode du salaire de Carlos Ghosn a montré les limites de ce système. Le conseil d’administration a entériné la hausse du salaire du PDG de Renault quelques heures seulement après que l’assemblée des actionnaires a voté contre à 54 % vendredi 29 avril. Même Pierre Gattaz, le patron du Medef, s’est déclaré "gêné" et "très surpris" par la rapidité de la décision du conseil d’administration.
Le pouvoir du "name and shame"
Rendre contraignantes les décisions des assemblées d’actionnaires n’est pas non plus la panacée. "Cela transformerait, sur la question de la rémunération, le conseil d’administration en simple chambre d’enregistrement", souligne Sarah Guillou, spécialiste de l’économie industrielle à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Elle pense qu’une loi pourrait donner aux actionnaires le droit de "fixer une fourchette de salaire au sein de laquelle le conseil d’administration pourrait choisir la rémunération".
Sans être parfaite, cette solution semble plus adaptée, selon Sarah Guillou, que les autres alternatives législatives. L’encadrement de la rémunération des dirigeants ou son plafonnement est risqué. "Dans le contexte de concurrence internationale, ce genre de mesure pourrait avoir comme conséquence d’éloigner les meilleurs dirigeants du marché français", prévient-elle.
Reste à savoir si Emmanuel Macron veut réellement recourir à la loi. Sa sortie à l’Assemblée nationale pourrait n’être qu’une manière de faire pression sur le conseil d’administration. "Le 'name and shame' [dénoncer nommément pour faire honte] peut entraîner une meilleure autorégulation des entreprises", assure Sarah Guillou. Comment ? "Si cela remet en cause les résultats financiers futurs, le conseil d’admnistration peut être poussé à agir", affirme-t-elle. Les inégalités salariales pourraient affecter la productivité ou les consommateurs être tentés de boycotter les produits du groupe pour manifester leur mécontentement.