Sans surprise, les rassemblements syndicaux du 1er-Mai seront dirigés cette année contre la Loi travail. Les cortèges devraient défiler dans un climat tendu, trois jours après les débordements et les violences des manifestations du 28 avril.
Le climat est tendu. Après deux mois de contestation et de manifestations émaillées de violences contre la Loi travail, le 1er mai 2016 devrait se dérouler sous haute sécurité.
Et pour cause, le gouvernement français ne veut surtout pas d'un bis repetita du jeudi 28 avril, précédente journée de manifestations contre le projet de Loi travail du gouvernement, à Paris et en province, qui a donné lieu à 214 interpellations. Près de 80 policiers ont été blessés, dont un grièvement. Un jeune homme à Rennes a perdu l'usage d'un œil.
Quelques heures avant que les défilés ne commencent, Manuel Valls a adressé une ferme mise en garde aux "casseurs" éventuels, appelant chacun à "prendre ses responsabilités, quand on organise une manifestation". De son côté, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a adressé samedi aux préfets un télégramme détaillant les mesures à prendre afin d'éviter les débordements, dimanche, alors que syndicats et gouvernement se renvoient la balle des responsabilités des violences.
William Martinet, président de l'Unef, a reconnu que les organisateurs des manifestations devaient "faire plus" pour sécuriser les cortèges. Le Parti de gauche a, de son côté, demandé samedi "des comptes" à Bernard Cazeneuve, face à une "escalade de la violence" policière lors des manifestations, appelant à l'abandon des lanceurs de balles de défense.
Un projet à l'examen le 17 mai
Le projet de Loi travail, qui sera examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de mardi et voté le 17 mai, aura le mérite de rassembler FO et CGT, une première depuis 2009. Les secrétaires généraux Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO) vont en effet cheminer côte à côte à Paris à partir de 15 h de Bastille à Nation pour réclamer "le progrès social et le retrait de la Loi travail". Les leaders de FSU, Solidaires et des organisations étudiantes (Unef) et lycéennes (UNL et FIDL) seront aussi présents. Des manifestations et rassemblements sont prévus partout en France.
Dans la matinée, Jean-Claude Mailly se rendra au Mur des Fédérés, au cimetière du Père Lachaise, en hommage à la Commune, une tradition de FO, avant un apéritif républicain en fin de matinée place Gambetta, dans le 20e arrondissement à Paris.
Un 1er-Mai singulier avec "Nuit Debout"
De leur côté, les réformistes (CFDT, CFTC et Unsa) se retrouvent entre eux dans la matinée, au cours de tables rondes, dont l'une porte sur la Loi travail qu'ils soutiennent. Pour ce camp, pas question de "demander le retrait d'un texte porteur de progrès pour les travailleurs", rappelle Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT qui loue, entre autres, la mise en place du compte personnel d'activité (CPA) prévue dans cette loi.
Depuis 2013, CGT et CFDT ne défilent plus ensemble le 1er-Mai, leur relation s'étant dégradée après l'approbation par la centrale de Laurent Berger de l'accord sur la sécurisation de l'emploi, dénoncé par la CGT. La Loi travail n'a fait qu'aggraver la division entre les deux premiers syndicats français.
Le 1er mai 2016 prend une tournure spécifique avec l'avènement de "Nuit debout", lancé au soir du 31 mars, jour de la plus grande mobilisation contre la Loi travail (390 000 personnes dans 250 villes, selon les autorités, 1,2 million selon les organisateurs). Dimanche, des responsables syndicaux ont prévu de se rendre place de la République, mais pas les numéros uns.
Jeudi, Philippe Martinez y est intervenu pour la première fois, pour évoquer la "convergence des luttes", à un moment où 63 % des Français estiment que ni "Nuit debout", ni les syndicats, ni les partis ne sont "en phase avec les salariés", selon un sondage Odoxa publié vendredi. En revanche sept Français sur dix considèrent que "la lutte des classes est une réalité en France".
La journée des travailleurs, célébrée dans de nombreux pays, est née à Chicago en 1886 à l'initiative d'un mouvement syndicaliste réclamant la journée de travail de huit heures.
Mais "c'est d'abord un jour férié aujourd'hui et le sens historique ou politique est perdu. C'est lié à la baisse de la représentativité syndicale dans toutes les entreprises, pas qu'en France", relève Sylvain Niel, avocat spécialiste du droit du travail.
Avec AFP