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Le Premier ministre Manuel Valls a donné un an à une mission d'inspection technique pour évaluer l'efficacité et le coût de la plateforme nationale des interceptions judiciaires. Elle a été jugée trop coûteuse à la France, selon la Cour des comptes.

Message reçu. Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé, mardi 26 avril, la mise en place d'une mission d'inspection technique de la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ). Cette décision fait suite à la publication, la veille, d'un rapport très critique de la Cour des comptes sur le coût des "interceptions judiciaires" des communications.

Cette mission aura un an pour évaluer l'efficacité et le coût de cette plateforme, toujours pas opérationnelle, pensée pour mieux traiter les écoutes téléphoniques et faire des économies. Elle est notamment censée "évaluer les causes des dysfonctionnements connus", estimer "les moyens complémentaires que l’État devrait mettre en œuvre" pour s'assurer que la PNIJ soit à la hauteur des enjeux de sécurité nationale ou encore vérifier si toutes les parties (police, opérateurs téléphoniques, sous-traitants) jouent correctement le jeu.

Un milliard d'euros et huit ans de retard

Autant de questions que la Cour des comptes n'a pas manqué de soulever dans son rapport. Elle juge qu'en dix ans d'écoutes téléphoniques judiciaires, les résultats sont "insuffisants" au regard du coût. Elles ont englouti un milliard d'euros, d'après les Sages.

Un coût auquel le déploiement très poussif de la PNIJ n'est pas étranger. Elle n'a toujours pas été mise en route, alors qu'elle aurait dû être lancée 2007. Un retard à l'allumage qui a un prix : cette plateforme a coûté à ce jour 100 millions d'euros (développement de l'outil, paiement des prestataires, formations du personnel, maintenance des serveurs etc.), soit six fois plus que prévu en 2005.

Censée permettre de faire des économies, elle a pour l'instant produit le résultat inverse. "Chaque année de retard de la PNIJ a empêché l'État de faire environ 65 millions d'euros d'économies brutes", ont ajouté les auteurs du rapport.

Et Thalès dans tout ça ?

Reste à savoir pourquoi cette plateforme met tant de temps à voir le jour. La Cour des comptes reste à ce sujet "énigmatique", affirme le quotidien Libération qui a tenté de les contacter pour en savoir plus. Les Sages évoquent sans plus de précision des "crises de gouvernance internes au ministère de la Justice" pour expliquer en partie ce retard. Les auteurs pointent aussi du doigt "une complexité technique sous-estimée" et un "pilotage insuffisant" du projet.

Ils s'interrogent aussi sur le rôle de Thalès dans cet ensemble. Le géant français héberge les serveurs sur lesquels doivent être stockés les données -  en cryptées - des écoutes, alors que la plateforme aurait pu être "installée dans l'un des sites informatiques sécurisés" du ministère de l'Intérieur. La Cour des comptes a du mal à comprendre pourquoi l'État s'est ainsi mis en situation de dépendance à l'égard d'une entreprise privée pour un projet aussi sensible. Dans sa réponse, Manuel Valls a promis d'étudier la possibilité "d'internaliser" la PNIJ.