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La reine Elizabeth est-elle pour ou contre le Brexit ? That is the question

À deux mois du vote sur le Brexit au Royaume-Uni, anti et pro-UE se déchirent sur une brûlante question : Elizabeth II est-elle europhile ou eurosceptique ? Alors que la reine est soumise à un devoir de neutralité, les spéculations vont bon train.

C’est une drôle de bataille qui se livre de l’autre côté de la Manche. À l’heure où eurosceptiques et europhiles s'affrontent au Royaume-Uni, une illustre Britannique semble graviter au-dessus des débats : la reine Elizabeth II, qui fête jeudi 21 avril ses 90 ans. Contrairement au dirigeant américain Barack Obama, au chef de la Banque centrale européenne Mario Draghi ou encore à la présidente du Front national Marine Le Pen, la Queen n’a officiellement pas exprimé son avis sur cet épineux sujet : souhaite-t-elle ou non que son pays sorte de l'Union européenne (UE) ? Et pour cause : celle-ci est soumise à un devoir de neutralité.

Au cours de ses 64 ans de règne, elle n’a ainsi jamais interféré dans les dossiers politiques de son pays. Mais, à deux mois d’un référendum crucial sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (le "Brexit"), ce silence devient plus que jamais assourdissant pour les oreilles sensibles de certains Britanniques. Car anti et pro-Brexit brûlent de pouvoir compter sur le soutien de la très respectée dame aux chapeaux. Pour l'heure, le camp europhile – favorable au maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne – devance de 11 points le camp des europhobes, selon un sondage de l'institut ComRes rendu public jeudi par le Daily Mail et la chaîne de télévision ITV.

"Je ne comprends pas l’Europe." Really ?

Aussi, au Royaume-Uni, les rares déclarations de la reine sont autant d’occasion d’interpréter ses prises de position. En mars, un article du tabloïd conservateur The Sun, ouvertement en faveur d’une sortie de l’UE, a révélé – sur la foi des propos d'une source "hautement fiable" – que sa majesté aurait dévoilé ses opinions personnelles sur la question du Brexit. Lors d’un déjeuner en 2011 au château de Windsor en compagnie de l’europhile Nick Clegg, ancien vice Premier ministre et ex-chef du Parti libéral-démocrate, la monarque aurait estimé que l’Europe allait "dans la mauvaise direction".

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Elle aurait même, certifie le journal, émis de "vives critiques" durant un "long moment", à la stupeur générale des invités présents autour de la table. "Les personnes qui ont entendu leur conversation ne pouvaient avoir le moindre doute sur les sentiments de la reine à l’égard de l’intégration européenne", a déclaré cette source anonyme au quotidien, tirant la (rapide) conclusion que la Queen était donc pro-Brexit et reléguant au rang de détail la date (2011) de l'anecdote rapportée. "L’Union européenne est selon toute vraisemblance un sujet qui passionne sa majesté", a ajouté la source "hautement fiable". Toutefois, Nick Clegg, au premier rang du "scoop", a affirmé n’avoir aucun souvenir de cet évènement. "Pourtant, c’est le genre de choses dont je me serais souvenu", a-t-il déclaré sur Twitter.

Re Sun story. As I told the journalist this is nonsense. I've no recollection of this happening & its not the sort of thing I would forget

— Nick Clegg (@nick_clegg) 8 mars 2016

Toujours selon The Sun, la reine aurait également exprimé son scepticisme vis-à-vis de l'Union européenne durant une conversation avec membres du Parlement au cours d’une réception au palais de Buckingham, dont le tabloïd ne précise pas la date. "Je ne comprends pas l’Europe", aurait-elle lancé, rouge de colère, selon le journal le plus lu du Royaume-Uni (deux millions d’exemplaires).

La Queen, rempart contre l’intrusion européenne ?

Il n’en fallait pas plus au Sun pour faire de cette information ses gros titres, estimant que cette révélation faisait "l’effet d’une bombe". Depuis, la reine n’a fait aucun commentaire sur cette affaire. Et elle est bien la seule.

Dans le camp des anti-UE, on s’est frotté les mains, à l’image du parlementaire conservateur Jacob Rees-Mogg. "Je serais ravi que cela soit vrai et que sa majesté soit une 'Brexiteuse'. La raison pour laquelle nous chantons tous 'God Save The Queen' avec tant d’engouement est que nous croyons qu’elle existe pour nous protéger de l’intrusion européenne", a réagi cet eurosceptique convaincu.

Du côté pro-européen, l’ancien ministre libéral-démocrate Edward Davey semble persuadé du contraire. "La reine sait parfaitement qu’une sortie de l’UE serait le meilleur moyen de détruire le Royaume-Uni, puisque l’Écosse voterait ensuite pour son indépendance", a-t-il plaidé.

Le palais de Buckingham a quant à lui saisi l’instance de régulation de la presse pour faire taire les rumeurs, qualifiant les propos du Sun de "ragots fallacieux". Mais cette réaction officielle n’a en rien entamé l’enthousiasme des pro-Brexit, le journal Daily Mail, en faveur d’une sortie de l’UE, suggérant que ce démenti s’inscrivait naturellement dans une logique officielle de neutralité politique et ne présumait en rien des opinions de la reine.

Le Brexit n'est d'ailleurs pas le premier sujet sur lequel les spéculations vont bon train quant aux opinions de Queen Elizabeth. Lors du référendum sur l'Écosse, en septembre 2014, la reine avait déjà déchaîné les passions en déclarant que "les Écossais devaient bien réfléchir" avant de voter. Cette phrase on ne peut plus banale avait alors été décortiquée, interprétée et sur-interprétée.

Le prince William, un pantin du gouvernement ?

Mais la nonagénaire n’est pas la seule personnalité aux lèvres de laquelle sont pendus médias et politiques dans ce contexte délicat. En février, c’est le prince William qui avait prononcé de royales paroles aux effets insoupçonnés : "Il est important que nous gardions notre capacité à nous unir à d'autres nations pour agir ensemble […] La coopération entre différents pays est le socle de notre sécurité et de notre prospérité", avait-il déclaré lors d'une conférence des diplomates britanniques organisée au Foreign Office. De quoi gonfler d’orgueil des europhiles qui ont eu vite fait d’interpréter ces propos à leur manière : le petit-fils de la reine, même sans prononcer le mot "Europe", soutenait clairement le bloc des 28.

À l’opposé de l’échiquier politique, Nigel Farage, le leader de Ukip, parti pro-indépendance, avait estimé que le prince William, du haut de ses 33 ans, avait "été utilisé" par le gouvernement et les lobbies pro-européens. Une fois n'est pas coutume, le journal The Sun avait choisi de rester prudent, estimant dans un éditorial que le prince "devait rester en dehors de tout cela". Une prudence bien vite mise au placard : un mois plus tard, le même journal écrivait en grosses lettres la supposée position anti-UE de la reine.