
Un groupe d’étudiants de Sciences-Po Paris a relancé la polémique sur le voile, mercredi, en invitant celles qui le souhaitent à se couvrir la tête d’un foulard islamique. Une initiative qui, selon eux, "incite au débat", non à la conversion.
Voiles colorés sur la tête, une dizaine de jeunes femmes font les cent pas dans le hall majestueux de Sciences-Po Paris, mercredi 20 avril. Intimidées par la foule de journalistes venus spécialement, les organisatrices du "Hijab Day" ne semblent pas s’être préparées à l’avalanche de questions suscitées par l’opération. Et pour cause, l’idée est simple mais polémique : inviter les étudiantes de la célèbre institution publique à revêtir un voile islamique pour la journée.
Deux étudiantes finissent par se jeter à l’eau. "Nous ne pouvons plus permettre qu’on parle en notre nom, nous devons nous exprimer nous-mêmes", commence la jeune Laetitia. L’événement, insiste-t-elle, vise à encourager le débat parmi les étudiants, en aucun cas à convertir quiconque à l’islam.
Laetitia et ses acolytes expliquent avoir été déçues par les récents commentaires des membres du gouvernement associant le voile à l’esclavage. Le mois dernier, la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a comparé les femmes portant le hijab aux "nègres américains qui étaient pour l’esclavage". Le Premier ministre, Manuel Valls, a ensuite soutenu l’idée d’interdire le foulard islamique dans l’enceinte des universités publiques.
"Faire avancer le débat public"
Hannah Barlett, une étudiante australienne en échange universitaire pour un semestre, a été l’une des premières à jouer le jeu. Avec l’aide d’une organisatrice, elle s’est enveloppée d’une écharpe d’un violet éclatant. "Soutenir les autres femmes est important. C’est leur choix de porter le voile", dit-elle, surprise que la question soit si polémique en France, où le port du voile est prohibé depuis 2004 dans les établissements primaires et secondaires. Depuis 2010, une loi interdit également le port du voile intégral en public ou la dissimulation du visage par quelque moyen que ce soit dans l'espace public, et donc aussi à l'aide d'une cagoule ou d'un casque de moto.
Pour Josselin Marc, président du syndicat Unef (Union nationale des étudiants de France) de Sciences-Po, l’opération a attiré une attention insoupçonnée depuis que des groupes d’extrême droite ont commencé à poster des commentaires haineux sur les réseaux sociaux. De nombreux étudiants, jusque-là indifférents au "hijab day", ont ensuite apporté leur soutien à l’événement, explique-t-il. "Ça n’aurait pas dû provoquer autant de remous. C’est un événement qui respecte les règles de l’université et la loi en général", note-t-il, soulignant que l’Unef n’a pas pris position sur la question du port du voile dans les universités mais a toujours soutenu une initiative destinée à "faire avancer le débat public sur un sujet important."
"Non au prosélytisme"
Helena, elle, était parmi les étudiants de Sciences-Po désapprouvant le "Hijab Day », un événement qu’elle qualifie de "choquant" face aux journalistes. "C’est ridicule de les entendre dire que [ le hijab ] est juste un morceau de tissu , spécialement à notre époque !", s’insurge-t-elle.
Le député Bruno Le Maire, candidat à la primaire Les Républicains et professeur à Science-Po Paris, a fustigé l’opération. "Comme enseignant à @sciencespo, je veux dire ma désapprobation face au #HijabDay. En France, les femmes sont visibles. Non au prosélytisme !", a-t-til twitté mercredi matin.
Mais Anaïs, l’une des organisatrices, insiste sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas de prosélytisme. "L’Hijab Day" est uniquement destiné à démystifier le voile islamique parmi nos camarades de classes et inciter les femmes à prendre le pouvoir et à s’exprimer librement sur le sujet", martèle-t-elle, assurant qu’aucune suite ne devrait être donnée à cette initiative.