![Brésil : les députés votent en faveur de la destitution de la présidente Dilma Rousseff Brésil : les députés votent en faveur de la destitution de la présidente Dilma Rousseff](/data/posts/2022/07/21/1658397295_Bresil-les-deputes-votent-en-faveur-de-la-destitution-de-la-presidente-Dilma-Rousseff.jpg)
Au cours d'un vote plus qu'agité, la Chambre des députés s'est prononcée, dimanche, pour le destitution de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff. Au Sénat maintenant de se pencher sur "l'impeachment" de la première présidente de l'histoire du pays.
À une écrasante majorité, les députés du Brésil ont ouvert, dimanche 17 avril, la voie d'une destitution de la présidente Dilma Rousseff, lors d'un vote historique qui s'est déroulé dans une ambiance survoltée.
Le camp de la destitution l'a emporté par 367 voix, 25 de plus que les 342 requises pour autoriser le Sénat à mettre en accusation la chef de l'État. Seuls 137 députés, de gauche et d'extrême gauche pour l'essentiel, ont voté contre la destitution. Sept députés uniquement se sont abstenus et trois étaient absents.
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Les députés de l'opposition de droite ont exulté, chantant l'hymne des supporters de l'équipe de foot au Mondial-2014 : "Je suis brésilien, avec beaucoup de fierté et beaucoup d'amour". "Après 10 heures de session, ce sont des scènes de liesse qui ont gagné l'assemblée : banderoles, écharpes, drapeaux... une atmosphère assez surréaliste en politique, rapporte Nicolas Ransom, correspondant de France 24 au Brésil. L'hémicycle avait des airs de victoire de football."
Le leader du Parti des Travailleurs (PT, gauche) à la Chambre des députés du Brésil, José Guimaraes, avait anticipé cette "défaite provisoire" une demi-heure plus tôt. "Les putschistes ont gagné ici à la chambre" mais "cette défaite provisoire ne signifie pas que la guerre est perdue, a-t-il déclaré à des journalistes. Nous allons maintenant dialoguer avec le Sénat pour qu'il corrige l'action des putschistes dirigés par des gens sans autorité morale."
Un mandat qui ne tient plus qu'à un fil
Dilma Rousseff avait annoncé qu'elle "lutterait jusqu'à la dernière minute de la seconde mi-temps". Mais son mandat ne tient désormais plus qu'à un fil : d'ici le 11 mai, il suffira d'un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu'elle soit formellement mise en accusation pour "crime de responsabilité" et écartée du pouvoir pendant 180 jours au maximum, en attendant un verdict final.
"Dilma Rousseff n'est toujours pas destituée puisque le dossier doit être transmis au Sénat, rapporte Nicolas Ransom. Pour autant, le vote du Sénat sera très probablement à la défaveur de la présidente puisqu'elle n'y a pas la majorité. Elle sera donc très vraisemblablement destituée à moins d'un rebondissement dans les prochaines semaines." Le vice-président, Michel Temer, son ancien allié centriste et désormais rival, assumerait alors ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.
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Héritière politique de l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, Dilma Rousseff, ex-guérillera emprisonnée et torturée sous la dictature, est entrée dans l'histoire en 2011, en devenant la première femme présidente du Brésil. Elle risque à présent d'y rejoindre Fernando Collor de Mello, seul président brésilien à avoir été à ce jour destitué, pour corruption, en 1992.
Empoignades et insultes
Empoignades, insultes : cette session extraordinaire s'est déroulée dans un lourd climat d'affrontements dès son ouverture par le président du Congrès, Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente, lui-même inculpé pour corruption dans le scandale des détournements de fonds du géant pétrolier étatique Petrobras, sous les huées des élus de gauche.
Après de longues minutes de confusion où les députés ont failli en venir aux mains, le calme est ensuite à peu près revenu. Après les interventions des chefs des groupes parlementaires, chaque élu a eu dix secondes pour annoncer son vote au micro.
Pendant ces longues heures de suspense, l'opposition creusait l'écart irrémédiablement sur le camp présidentiel de la gauche. Les élus conservateurs ceints d'écharpes jaune et vert parlaient de "nettoyer le pays de la corruption". "Ciao Dilma !", lançaient certains députés.
Plus de 200 millions de Brésiliens, divisés par des mois d'âpres disputes, étaient suspendus au dénouement crucial de la première manche de la lutte de pouvoir qui paralyse le géant émergent d'Amérique latine, au milieu d'un énorme scandale de corruption et de la pire récession économique depuis des décennies.
"Pourris", "évangélististes"...
À Brasilia, environ 53 000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et 26 000 sympathisants de gauche habillés en rouge ont suivi les débats sur des écrans géants devant l'Assemblée, de part et d'autre d'une grande barrière métallique. Les partisans de la présidente, abattus, ont commencé à évacuer les lieux avant le résultat final.
À Sao Paulo, les supporters de la présidente, réunis au Vale de Anhangabau, ont assité au vote autour de barbecues, indique David Gormenzano, correspondant de France 24 dans la plus grande ville du pays. "Quand un député votait pour le non, les applaudissements fusaient, quand c’était un oui, on entendait des insultes : "Pourris !", "Évangélistes !", rapporte-t-il.
"Les anti-Dilma étaient eux réunis sur l'Avenida Paulista dans une ambiance survoltée de finale de coupe du monde. T-shirt jaune et vert et drapeaux brésiliens à perte de vue, les milliers de partisans de 'l’impeachment' avaient commencé à se masser sur la grande artère de Sao Paulo dès le dimanche matin", ajoute-t-il.
Un an de crise politique
Dilma Rousseff est embourbée depuis sa réélection dans une redoutable crise politique qui s'est embrasée au mois de mars, avec d'immenses manifestations pour son départ et l'entrée frustrée au gouvernement de son mentor Lula, soupçonné de corruption par la justice.
Sa popularité s'est effondrée en 2015 à un plancher historique de 10 %, avec un sursaut à 13 % en avril. Plus de 60 % des Brésiliens souhaitent son départ.
Sa défaite s'est dessinée fin mars quand le grand parti centriste du vice-président Michel Temer a claqué la porte de sa coalition, imité la semaine dernière par les autres partis centristes de sa base hétéroclite.
"Une bataille s'est déclenchée entre un gouvernement incompétent, soutenu par un parti qui a trahi ses idéaux (le PT), et une opposition hypocrite, dirigée par un législateur accusé de corruption, Eduardo Cunha, a déclaré à l'AFP l'analyste politique Sylvio Costa. Dans tous les cas de figure, les perdants continueront à protester dans les rues."
Dilma Rousseff devrait "certainement s'exprimer devant la nation un peu plus tard ce lundi", indique Nicolas Ransom.
Avec AFP