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Après que la ville de Palmyre a été reprise à l'EI, dimanche, par les soldats de Bachar al-Assad, l'heure est à l'inventaire sur le site antique syrien, où les experts prévoient un travail titanesque de reconstruction.

Chapiteaux renversés, colonnes démantelées, linteaux brisés : à Palmyre, l’organisation de l’État islamique (EI) a dévasté des ruines célèbres et truffé la ville syrienne d'engins explosifs. Repris dimanche 27 mars par l’armée syrienne, avec l’appui des soldats russes, le site antique n’est pas indemne.

À l'entrée du temple de Bêl, la cella, la partie fermée et la plus importante de l’édifice religieux, n'est plus qu'un amas de gravats, à l'exception de la porte monumentale, depuis que l’EI a fait exploser en août 2015. "Le temple de Bêl ne sera plus jamais comme avant. D'après nos experts, nous allons pouvoir certainement restaurer un tiers de la cella détruite et peut-être plus après des études complémentaires avec l'Unesco. Cela prendra cinq ans de travail sur le terrain", a affirmé le directeur des Antiquités syriennes Maamoun Abdelkarim.

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Musée national transformé en tribunal religieux

Sur les ruines, des soldats russes, qui ont joué un rôle déterminant dans la reprise dimanche de la ville, montrent à des journalistes de leur pays ce qui reste des trésors antiques. Dans le théâtre romain, intact, des jihadistes ont écrit leurs noms et un mur est criblé de balles. C'est dans cet édifice, datant du IIe siècle, que l'EI a procédé à des exécutions publiques de soldats par des enfants de membres du groupe jihadiste.

Sur le site antique, de la cella du temple de Baalshamin, il ne reste plus rien en dehors de quatre colonnes. De l'Arc de triomphe, datant de l'empereur romain Septime Sévère (IIIe siècle) ne subsistent que deux piliers. La partie centrale et les arches sont à terre. Cependant pour Maamoun Abdelkarim, "l'ériger à nouveau n'est pas compliqué car tous les blocs sont là et l'arche avait déjà été remontée dans les années 30. "J'invite les archéologues et experts du monde entier à venir travailler avec nous car ce site fait partie du patrimoine mondial de l'humanité", dit-il.

Quant au Musée national, il ressemble au musée des horreurs. Les jihadistes, qui l'avaient transformé en tribunal religieux, se sont livrés à un vandalisme inouï.

Portraits mutilés, visages brisés

"Les experts estiment que 30 % de la cité antique de Palmyre a été détruite", a affirmé sur place Talal Barazi, le gouverneur de la province de Homs, où est située Palmyre. "J'ai vu les preuves de l'obscurantisme de l'EI. Les dommages causés aux antiquités seront les témoins de leur sauvagerie", a-t-il ajouté. Des statues typiques de l'art palmyrien, comme les bustes de femmes aux yeux globuleux et aux lourdes parures ont été jetées à terre, les portraits ont été mutilés et les scènes de banquets funéraires avec le visage des convives tourné vers le spectateur ont été brisés ou martelés.

"Je suis content que les plus belles pièces du musée aient pu être évacuées avant leur arrivée", a-t-il ajouté, faisant allusion à 400 pièces d'une valeur inestimable qui ont été transférées par le service des Antiquités vers Damas, sous contrôle du régime.

4 500 engins explosifs artisanaux

La ville nouvelle, désertée par ses habitants, porte elle aussi les stigmates de combats sans pitié qui ont opposé les forces du régime, aidées par l'aviation et les artilleurs russes, aux jihadistes. Si les jihadistes ont détruit la très célèbre prison du régime, également située à Palmyre, ils ont créé de multiples centres de détention dans les sous-sol de bâtiments gouvernementaux.

"Palmyre l'a échappé belle. L'EI avait planté 4 500 engins explosifs artisanaux dans la quasi-totalité de la ville, reliés par des téléphones portables à la centrale téléphonique. Un des nôtres s'est déguisé en jihadiste et a tué celui chargé de déclencher un feu d'artifice", explique Abou Mamoud. Une version confirmée par le gouverneur. Chaque demi-heure, une explosion retentit. "C'est l'unité du génie de l'armée syrienne, en attendant l'arrivée des démineurs russes dans les prochains jours", affirme Talal Barazi.

Avec AFP