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Loi travail : paroles de manifestants dans le défilé parisien

Jeudi, des centaines de milliers de personnes ont défilé pour protester contre la Loi travail. France 24 est allé à la rencontre des manifestants dans le cortège parisien.

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté jeudi 31 mars en France contre le projet de réforme du Code du travail - 1,2 millions selon les syndicats, 390 000, dont 26 à 28 000 à Paris, selon la police. À l’appel de plusieurs syndicats, dont la CGT, FO, et des syndicats lycéens et étudiants comme l’Unef et la FIDL, cette troisième journée de mobilisation a vu les opposants au texte afficher leur détermination face à un gouvernement inflexible. France 24 était dans le cortège parisien, dans lequel lycéens, salariés ou retraités ont défilé sous une pluie battante. Paroles de manifestants.

Clara, en Terminale ES dans un lycée de Pontoise (95)

Mégaphone, en main, Clara, 18 ans, lance le slogan "Pissaro en colère, on va pas se laisser faire !" à toute une bande de lycéens serrés derrière une banderole "Dis Maman, c’était comment quand les travailleurs avaient des droits ?", que ses camarades reprennent en chœur.

"On est une soixantaine du lycée Pissaro de Pontoise, dans le 95 (Val-d'Oise), à être venus. On est là parce qu’on essaye de se battre pour nos futurs droits et pour ceux de nos parents. On a fait un blocus ce matin au lycée, alors que notre établissement n’est pas du tout politisé à la base. À la manif du 24 mars par exemple, il n’y avait personne, mais là ça a pris, les lycéens commencent à prendre conscience du danger. On est là parce qu’on ne supporte pas l’idée qu’on puisse retirer des droits aux travailleurs. On a déjà 6 millions de chômeurs en France, on ne veut pas aller vers davantage de précarisation. Nous, on réclame le retrait total. On va continuer à manifester au moins jusqu’aux prochaines vacances si le projet de loi est maintenu. Après, il y aura quand même le Bac à passer…"

Bruno, ouvrier à Bridgestone Béthune, Pas-de-Calais

Bruno Wable travaille depuis 1993 à Bridgestone à Béthune (Pas-de-Calais), une usine qui fabrique des pneus, et pour laquelle il est aujourd’hui élu de la CGT.
"Notre délégation d’une cinquantaine de camarades de Bridgestone Béthune est venue manifester contre la Loi travail, mais aussi en soutien aux ouvriers de Goodyear (le procès en appel des huit ex-salariés de Goodyear, condamnés en janvier à 9 mois de prison ferme pour séquestration de deux cadres, se tiendra le 19 octobre à Amiens). Je travaille à Bridgestone depuis 1993, j’y suis entré comme assembleur. On est dans la même lignée que Goodyear : on va subir une baisse des effectifs et de la production.

Cette Loi travail, c’est impensable. Ce saccage du code du travail est inacceptable pour les salariés. À terme, c’est la mort de l’ouvrier. Le texte prévoit un taux de majoration des heures supplémentaires de 10 % seulement au lieu des 25 %, cela on ne l’accepte pas. On essaye de nous faire croire qu’il y aura de l’embauche derrière, mais c’est faux. Enfin, avec ce texte, les patrons vont pouvoir licencier quand ils veulent, sans aucune difficulté ! On sera dans la rue jusqu’au retrait complet."

Dominique et Dominique, 63 et 64 ans, retraités du secteur hospitalier, anciens responsables syndicaux, région parisienne

"En tant qu’anciens responsables syndicaux, l’une des choses qui nous choque le plus dans cette loi, c’est la remise en cause des institutions représentantes du personnel en entreprise. Avec ce texte, le patronat pourra imposer ses vues. La loi travail signe la fin de la représentation syndicale. La possibilité de licencier sans encombre est également inacceptable. C’est la totalité du texte qu’il faut supprimer, ça n’est pas négociable. Le message que fait passer le gouvernement, c’est 'désormais, pour pouvoir embaucher, il faut licencier'. Qu’un gouvernement de gauche soit à l’origine de ce texte, c’est une honte"

Anne, 47 ans, comédienne et metteur en scène, Paris 18e

"Ce texte est la pire dégueulasserie que le gouvernement ait inventé. Ce qui me choque le plus, ce sont les indemnités des prud'hommes plafonnées. Alors d’accord, dans la dernière mouture, ce plafond n’a plus été retenu qu’à titre indicatif, mais ça reste dangereux car les juges se baseront évidemment sur cette ‘indication’ pour établir les indemnités à verser au salarié !

Ce gouvernement, on ne l’a pas élu pour ça. On l’a porté au pouvoir dans l’espoir, par exemple, d’aller vers plus de justice sociale et fiscale, et on se retrouve avec le Medef au pouvoir. Je suis déçue et très en colère. J’ai fait toutes les toutes les manifs depuis le 9 mars, j’ai signé la pétition de Caroline de Haas réclamant le retrait du texte, et je continuerai jusqu’au retrait de cette loi. "

Emmanuelle, 33 ans, doctorante en sciences politiques, en recherche d’emploi, Paris, 10e

"Si je suis dans la rue aujourd’hui, c’est pour marquer mon opposition à la Loi travail, mais plus globalement à ce gouvernement qui a pris toute une série de mesures auxquelles je suis radicalement opposée, de l’état d’urgence à la déchéance de nationalité - qui fort heureusement n’a pas abouti.

Aujourd’hui, cette loi est une atteinte scandaleuse au droit du travail. Je ne nourrissais pas d’espoirs démesurés dans ce gouvernement à la base, mais sans avoir de grandes attentes, je ne pouvais pas imaginer autant de trahisons. Là, on est face à un démantèlement des acquis sociaux très important. C’est une politique de droite qui est menée aujourd’hui par un gouvernement qui se prétend de gauche.

Au-delà de la loi El Khomri, je suis lassée de cette élite au pouvoir, le fonctionnement de notre système politique, avec ses passages en force et son manque de démocratie, me laisse désemparée.

J’attends dans un premier temps le retrait de ce texte, mais plus largement, une alternative à ce système politique. L’élection présidentielle de 2017 me préoccupe : je n’ai plus envie de participer à ce système. "