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Le projet de construction de deux réacteurs nucléaires en Grande-Bretagne a entraîné la démission du directeur financier d'EDF qui estime le chantier trop coûteux. Un sérieux couac dans un dossier important sur le plan diplomatique.
Le nucléaire français n’en avait pas besoin. Après les retards à répétition pour la construction des centrales de nouvelle génération en Finlande et à Flamanville, dans l'Hexagone, c’est à Hinkley Point, en Angleterre, qu’un nouveau chapitre des déboires de la filière française est en train de s’écrire pour et par EDF.
Emmanuel Macron a dû voler au secours de la direction du géant de l’électricité, détenu à 84 % par l’État. Lundi 7 mars, il a réaffirmé le soutien du gouvernement au projet de construction de deux EPR dans le sud de l'Angleterre. Une prise de position qui intervient quelques heures après l’annonce de la nomination en catastrophe d’un nouveau directeur financier, Xavier Girre. Il succède à Thomas Piquemal, qui a claqué la porte du groupe la semaine dernière suite à un différent sur le sujet avec le PDG, Jean-Bernard Levy.
Urgent d’attendre ?
L’ex-directeur financier juge l'investissement trop élevé pour le groupe, qui, actuellement, pâtit d’un prix faible de l’électricité en Europe. La construction des deux réacteurs est évaluée, officiellement, à 23,3 milliards d’euros ce qui en fait le projet nucléaire le plus cher du moment.
Selon Thomas Piquemal, à l'instar de plusieurs syndicats chez EDF, il était urgent d’attendre avant d’investir dans ce gouffre financier. L’analyse de l’ex-directeur financier est simple : le groupe doit mettre sur la table presque autant que ce qu’il vaut en Bourse (18 milliards d’euros), ce qui est bien trop. L’électricien français s’est engagé, en effet, a avancé les deux tiers des 23,3 milliards d’euros, le tiers restant proviendra des poches de China General Nuclear Power Corporation (CGN), le partenaire de cette opération. Les syndicats craignent que pour réunir autant d’argent, la direction soit obligée de couper dans les dépenses, ce qui ne se ferait pas sans casse sociale.
Le pari est d’autant plus risqué pour les comptes d’EDF, qu’Areva ne fait plus partie de l’équation financière. Le spécialiste français du nucléaire s’était engagé, il y a deux ans, à financer un peu plus de 10 % du projet, mais confronté à de graves soucis financiers, il ne pourra pas honorer cet engagement.
“Pilier des relations bilatérales”
Mais les opposants au chantier d’Hinkley Point appréhendent aussi le cauchemar technologique. Selon l’accord d’octobre 2015 entre EDF et les Chinois de CGN, la nouvelle centrale britannique doit entrer en service en 2025. Un calendrier qui oblige EDF à travailler sur des modèles d’EPR “intermédiaires”, c'est-à-dire entre la génération précédente, dont les autorités nucléaires britanniques ne veulent pas, et ceux en cours de construction à Flamanville et en Finlande. En clair, les détracteurs de ce projet soulignent que le géant français risque de dépenser une fortune pour des modèles de réacteurs qui seront dépassés dès que les EPR de dernière génération entreront en fonction.
Ces voix discordantes exigent donc un plan de financement mieux ficelé et une solution technologique satisfaisante avant de poser la première pierre de la future centrale. La direction actuelle et le gouvernement ne veulent pas entendre parler d’un moratoire. Le PDG d’EDF a assuré, lundi, vouloir prendre une décision sur l’investissement à fournir dans “un avenir proche”.
Pour le gouvernement, ce chantier est, en effet, essentiel sur le plan diplomatique. ”Ce projet stratégique majeur est un pilier des relations bilatérales [entre la France et la Grande-Bretagne]”, ont assuré les représentants des deux pays lors du sommet franco-britannique du 3 mars.
Les partisans du projet d’Hinkley Point affirment, eux, que la Grande-Bretagne a un besoin urgent de nouvelle source d’énergie. La fermeture de plusieurs centrales électriques britanniques est en effet programmée à l’horizon 2025-2030 et il faut prévoir la relève dès maintenant. La mise en service de nouveaux réacteurs nucléaires serait, toujours selon les pro-centrale, la solution environnementale la mieux adaptée aux besoins britanniques. “La France et la Grande-Bretagne soulignent le rôle crucial de l’énergie nucléaire dans la transition vers une économie à faible émission de gaz carbonique”, peut-on lire dans le communiqué commun publié à l’issue du sommet franco-britannique.
La nouvelle centrale serait donc “COP21 compatible” et bonne pour l’emploi, d’après le Premier ministre britannique David Cameron. Son gouvernement estime que ce chantier va créer 25 000 emplois sur le site, rappelle la BBC. Un chiffre qui correspond à une estimation du groupe britannique de BTP Mace, qui doit participer à la construction de la centrale. Mais il est précisé qu'il s’agit “d’opportunités d’emplois” étalées sur toute la durée du chantier et qu’une fois le projet achevé, la centrale nécessitera un “groupe opérationnel de 900” personnes.