![Un Brexit ferait-il disparaître la "jungle" de Calais ? Un Brexit ferait-il disparaître la "jungle" de Calais ?](/data/posts/2022/07/21/1658387741_Un-Brexit-ferait-il-disparaitre-la-jungle-de-Calais.jpg)
Comme David Cameron avant lui, le ministre français de l’Économie, Emmanuel Macron, a averti qu’en cas de sortie de Londres de l’UE, Paris laisserait les migrants libres de se rendre au Royaume-Uni. Une menace en l'air, selon les partisans du Brexit.
David Cameron l’avait déjà dit, Emmanuel Macron l’a répété : si Londres venait à sortir de l’Union européenne (UE), la France autoriserait les migrants, actuellement retenus à Calais, à se rendre au Royaume-Uni. Dans un entretien publié jeudi 3 mars dans les colonnes du journal britannique Financial Times, le ministre français de l’Économie explique qu'un Brexit pourrait remettre en cause les accords du Touquet qui autorisent, depuis 2003, les Britanniques à contrôler sur le territoire français les migrants désirant se rendre outre-Manche.
Au début du mois de février, les services du Premier ministre britannique avait déjà agité cette menace. "Si la Grande-Bretagne quitte l'Union européenne, il n'y a aucune garantie que les contrôles [frontaliers actuellement opérés à Calais] restent en place", avait souligné un porte-parole de David Cameron. Sans ces contrôles, rien n'empêcherait des milliers de migrants de traverser la Manche en une nuit pour venir demander asile dans le Kent."
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En clair, si le Royaume-Uni quittait l’UE, la "jungle" disparaîtrait de Calais pour réapparaître dans le sud de l’Angleterre. Les partisans du Brexit jugent l’argument fallacieux. "Le traitement des migrants à Calais est lié à un accord avec la France, pas l'UE. Il n'y a aucune raison qu'il change si nous quittons l'UE", répète Arron Banks, l'un des fondateurs de la campagne "Leave EU" ("Quitter l’UE"). Et d’ajouter : "Le Premier ministre brandit cet épouvantail parce qu'il n'a pas réussi à obtenir de l'UE les réformes de fond qu'il avait promises".
Le traité du Touquet : "Un cadeau de la France au Royaume-Uni"
L’avertissement émis par David Cameron et Emmanuel Macron n’a cependant rien de fantaisiste. "Il s’agit d’une réelle menace, assure à France 24 Philippe de Bruycker, professeur spécialiste de l’immigration à l’Université libre de Bruxelles. Certes, il n’y a pas de lien automatique d’un point de vue juridique entre le Brexit et le traité du Touquet qui ferait que le premier entraîne la fin du second. Mais cet accord, qui constitue un cadeau de la France fait à un partenaire européen, peut-il être maintenu si, justement, le Royaume-Uni n’est plus européen ?"
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Petit retour en arrière. En 2003, alors que le gouvernement français vient de démanteler, sous la pression du Royaume-Uni, le centre d’accueil de Sangatte, près de Calais, Paris et Londres signent au Touquet un traité visant à endiguer le flux de migrants traversant clandestinement la Manche depuis le nord de la France. L’accord permet ainsi l’intensification des contrôles au départ de l'Hexagone via l’instauration des bureaux d'immigration communs dans les ports de la Manche et de la mer du Nord, à savoir à Calais, Boulogne-sur-Mer et Dunkerque côté français, Douvres côté britannique.
N’étant pas membre de l'espace Schengen, le Royaume-Uni conserve la possibilité d'effectuer à ses frontières les contrôles qu'il juge nécessaires, or comme il dispose d’agents sur le territoire français, c’est en Hexagone que les candidats malheureux à l’immigration voient leur demande d’asile rejetée. Une disposition qui fait ainsi dire à certains que la frontière britannique s'est déplacée en France. "Géographiquement, la frontière anglaise se situe à Douvres. Nous avons été bien bons d’accepter que la frontière soit à Calais", déplorait Xavier Bertrand en août 2015 alors qu’il n’était pas encore président de la région Nord-Pas-de-Calais. La Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) estime quant à elle que les accords du Touquet ont "conduit à faire de la France le 'bras policier' de la politique migratoire britannique".
"Pas vocation à être modifiés"
Si Paris revenait sur l’accord, rien n’indique cependant que les migrants parviendraient à atteindre le Royaume-Uni et encore moins à y rester. "Londres sanctionnerait les compagnies de transport qui achemineraient les migrants sur son territoire", observe Philippe de Bruycker. "Repousser la frontière de l'autre côté de la Manche n'empêcherait en rien la formation d'un campement de ce côté-ci de la Manche, a par ailleurs estimé le ministre française de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, au quotidien La Voix du Nord. Les Britanniques, qui ne sont pas dans l'espace Schengen, pourraient aisément refouler à leur frontière ceux qui voudraient la traverser."
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Depuis les propos d’Emmanuel Macron, le gouvernement français s’emploie à préciser que les accords du Touquet n’ont, pour l’heure, "pas vocation à être modifiés", sans toutefois enterrer définitivement la possibilité d’une renégociation du traité. "Les accords du Touquet sont des accords bilatéraux, a tenu à rappeler Harlem Désir, secrétaire d’État aux Affaires européennes. Donc il n'y a pas de chantage, ni de menace, mais c'est vrai que nous coopérons plus facilement en étant membres de l'UE que si le Royaume Uni ne l'était plus".
Réunis ce jeudi à Amiens pour le 34e sommet franco-britannique, le président français François Hollande et David Cameron ont évoqué la question migratoire davantage sur son volet financier qu’administratif. Comme Paris le lui demandait, Londres s’est ainsi engagé à augmenter "d'une vingtaine de millions d'euros" son aide à la France dans la crise des migrants à Calais.
Avec AFP