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Fifa : Gianni Infantino, "Monsieur propre" pour les uns, "opportuniste" pour les autres

À peine élu à la tête de la Fifa, Gianni Infantino fut présenté comme le technocrate capable de remettre de l’ordre dans une maison gangrénée par la corruption. Mais, pour ses détracteurs, derrière l’homme de bonne volonté se cache un opportuniste.

"Compétent", "professionnel", "intègre", "clean"… À peine était-il élu à la tête de la Fifa vendredi 26 février, que Gianni Infantino se voyait désigner comme le "monsieur propre" du football mondial. Dans un milieu secoué par des scandales de corruption à répétition, le sobriquet est plutôt flatteur…

De fait, la tâche qui attend le successeur du très controversé Joseph Blatter promet d'être herculéenne : il s'agit de restaurer auprès du grand public et des sponsors une crédibilité et une confiance en ruines. "Tout le monde doit être fier de la Fifa", a insisté l’impétrant au moment de sa désignation. L’ancien numéro deux de l’UEFA – l’équivalent européen de la Fifa -, devra aussi gérer un "environnement économique difficile", selon les mots employés par le secrétaire général par intérim Markus Kattner. En 2015, selon une source proche de l'organisation, la Fifa, multinationale du football, devrait en effet enregistrer des pertes supérieures à 100 millions de dollars.

Homme du sérail sans casserole

Connu du grand public pour avoir longtemps présidé aux tirages au sort des coupes d'Europe, ce juriste italo-suisse de 45 ans doit son élection à son expérience mais aussi à sa réputation de technocrate probe et bosseur. Pour résumer : un homme du sérail qui présente l’avantage de ne traîner aucune casserole.

Reste que, pour nombre d’observateurs, un candidat, même animé des meilleures intentions du monde, risque toujours de se heurter aux réalités du pouvoir. Encore plus à la Fifa réputée pour son opacité. "Ils font des grandes déclarations d'intention. Mais quand on essaie de les décliner en programmes d'action, on ne trouve rien. Ce qui laisse donc la place derrière à tous les compromis", commente l'avocat spécialiste du sport Thierry Granturco sur le site Huffington Post. En clair, "on peut arriver clean comme président de la Fifa, mais on peut difficilement en sortir clean."

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Fifa : Gianni Infantino, "Monsieur propre" pour les uns, "opportuniste" pour les autres

Élu au second tour avec 115 voix sur 207, Gianni Infantino reste, en outre, le postulant européen par défaut. Celui qui a su profiter d’un coup du sort favorable : en l’occurrence la chute de Michel Platini, son ancien patron à l’UEFA qui a dû tirer un trait sur sa candidature en raison d'un paiement de 1,8 million d'euros reçu de la part de Joseph Blatter. "C'est vrai que peut-être quelque part le destin joue un rôle car il y a quelques mois je ne pensais même pas à me lancer dans cette aventure", avait-il reconnu auprès de l'AFP, deux jours avant l'élection.

Ascension fulgurante

Aventure qui est le point culminant d’une ascension fulgurante. Marié et père de quatre filles, l'Italo-Suisse est entré à l'UEFA en 2000, où il était chargé des questions juridiques et commerciales. Ce supporter de l'Inter Milan a ensuite été nommé directeur de la division Services juridiques en janvier 2004 et a ainsi "entretenu des contacts étroits avec l'Union européenne, le Conseil de l'Europe et les autorités gouvernementales", selon l'UEFA.

Il devient secrétaire général en 2009, fonction où il a contribué à la mise en place du fair-play financier et a su gagner la confiance des grands clubs européens. C'est lui qui, à partir de juillet, a représenté l'UEFA à la commission des réformes de la Fifa, instance créée afin de tenter de restaurer la crédibilité de la fédération internationale.

Fin connaisseur des ficelles du foot, Gianni Infantino a vite assimilé celles de la politique. "C'est un homme chaleureux, à l'écoute, réactif, un homme de réseaux, qu'il a construits et entretient avec soin", confie à l’AFP le représentant d'un grand club européen sous couvert de l'anonymat. Très à l'aise en public et devant les médias, le nouveau patron de la Fifa parle cinq langues, "voire six en comptant celle de bois", ironise le magasine So Foot.

"Si Infantino enlève son masque, on verra Blatter"

Pour les adversaires de Gianni Infantino, sa rapidité à gravir les échelons trahit un certain opportunisme. En privé, le camp Platini s’était en tous cas dit troublé par l'annonce impromptue, en octobre dernier, de sa candidature même s’il a toujours pris soin de ménager son patron en répétant de manière presque mécanique qu'avec l'UEFA il assurait son "soutien à Michel Platini dans son droit à avoir un procès équitable et à laver son image".

"Quasi dix ans de bons et loyaux services qu’Infantino ponctue d’une nouvelle lame plantée dans le dos, en profitant des déboires judiciaires de Platoche [surnom de Michel Platini, NDLR] pour saisir sa chance et annoncer sa candidature à la présidence de la Fifa. De quoi conforter ses détracteurs qui n’hésitent plus à le présenter comme une vulgaire girouette", écrit sévèrement So Foot.

Plusieurs médias n’ont pas manqué de remarquer que l’ancien bras droit de Michel Platini présentait davantage de similitudes avec Joseph Blatter. Il est né à Brigue, en Suisse, à 10 km du village natal de son prédécesseur (Viège), il est également issu de l'administration et a lui aussi gagné sur des promesses d'aide au développement. Dans son discours précédant le vote, il avait ainsi indiqué vouloir "redistribuer 25 % des revenus de la Fifa aux fédérations", un argument qui a sans doute fait mouche.

"J'ai l'étrange sensation que si Infantino enlève son masque, on verra Blatter", a ironisé l'ancien international anglais Gary Lineker sur Twitter. Dans un communiqué, l’ancien numéro un de la Fifa s’est félicité du profil de son successeur. "Il apporte toutes les qualités avec lui pour poursuivre mon travail", a-t-il assuré. Un soutien qui fait figure de cadeau empoisonné pour celui qui est censé incarner une ère nouvelle.

Avec AFP