De plus en plus d’armes sont vendues dans le monde, souligne le dernier rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, publié lundi. L'Étude relève, cependant, la perte de parts de marché des Français.
Les États-Unis restent les maîtres incontestés de vente d’armes à l'international. Mais c'est la seule grande constante : le commerce des armes, hors artillerie légère, a en revanche considérablement évolué en dix ans, comme le démontre le rapport de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), publié lundi 22 février, qui compare les tendances de 2011 à 2015 à celles de la période 2006-2010.
Alors que la France, 5e vendeur d'armes au monde, semble en perte de vitesse, la Chine a presque doublé ses exportations. Quant à l’Arabie saoudite, le Qatar et le Vietnam, ils se sont découvert une boulimie pour l’achat de systèmes d’armement. Décryptage des principales tendances du secteur.
Une course à l'armement ? Le commerce des armes a progressé de 14 % entre 2011 et 2015 par rapport à la période 2006-2010. Cette hausse pourrait aisément être mise sur le compte d’une course aux armements pour faire face à la hausse de la menace terroriste.
Ce facteur entre certes en ligne de compte, mais “il faut y ajouter des particularités locales importantes”, souligne Aude Fleurant, directrice de la campagne des dépenses militaires et d’armement au Sipri. Elle note qu’un certain nombre de pays, notamment en Amérique du Sud, ont procédé à la modernisation de leur armée. En Asie, la puissance toujours plus présente de la Chine a “donné l’impression à certains pays, comme le Vietnam, qu’il existait une menace chinoise à prendre en compte militairement”, remarque Aude Fleurant. Les tensions entre Pékin et Hanoï en mer de Chine méridionale expliquent l'augmentation vertigineuse des importations d'armes du Vietnam ces dernières années soit près de 700 %.
La France militairement moins attractive ? Alors que les livraisons d’armes britanniques, espagnoles ou encore italiennes ont augmenté de plus de 20 %, celles de la France ont baissé de près de 10 %.
Le matériel militaire français ne séduit-il plus ? Il faut tout d’abord établir une distinction importante : “Le Sipri ne prend en compte que les livraisons de matériel, c’est-à-dire que tous les contrats signés récemment par la France ne sont pas pris en compte”, note Aude Fleurant. Ainsi, la vente de Rafale au Qatar ou les juteux contrats signés avec le Koweït devraient permettre à la France de faire mieux dans les années à venir.
Paris s’est, en fait, concentré sur des “marchés difficiles à percer comme l’Inde, où les négociations sont très longues”, note l’experte du Sipri. D’autres pays avec lesquels la France avait noué de très bonnes relations militaro-commerciales ont moins acheté qu’avant. Ainsi le Brésil, dont l’économie tourne au ralenti depuis quelques années, a revu à la baisse ses grands projets de modernisation de l’armée.
Et contrairement à ce que pourrait laisser croire les annonces, les principaux partenaires de la France ne sont pas l’Arabie saoudite, le Qatar ou l’Inde. Le Maroc a ainsi été le premier acheteur de matériel français, notamment de systèmes électroniques de renseignement (radar etc.). Il a aussi procédé à une remise à niveau de sa flotte d’avions de chasse Mirage.
Le Qatar et l'Arabie saoudite sont-ils trop armés ? Les deux émirats n’ont pas hésité à dépenser leurs pétrodollars. Le Qatar a augmenté ses dépenses militaires de 279 % et celles de l’Arabie saoudite ont cru de 276 %.
Plusieurs facteurs communs aux deux pays peuvent expliquer cette attitude : la volatilité de la situation en Irak et en Afghanistan, les craintes suscitées par les printemps arabes et la volonté de profiter, à partir du début des années 2000, de la manne pétrolière et gazière. Mais Aude Fleurant ajoute que dans le cas de Riyad il y a aussi la volonté de contester le leadership militaire de l'Iran dans la région.
Néanmoins, un élément pourrait venir bousculer cette frénésie d'achats : la baisse des tarifs pétroliers. “Il va être intéressant de voir si malgré la baisse des revenus pétroliers [ou gazier, NDLR], ces pays vont continuer à dépenser beaucoup en armement”, remarque Aude Fleurant.
La Chine, grande puissance exportatrice. "Il y a encore dix ans, les Chinois n'étaient en mesure de proposer que des équipements pauvres en technologie. Cela a changé", souligne Siemon Wezeman, chercheur au Sipri, dans le communiqué de l’Institut de recherche suédois. Cette montée en gamme s’est traduite par un grand bond en avant des exportations : elles ont augmenté de 88 % sur 2011-2015 par rapport à la période précédente.
Pékin s’est fait une spécialité d’armer les autres pays asiatiques puisque les principaux acheteurs sont le Pakistan (35 % des exportations chinoises), suivie du Bangladesh et de la Birmanie.
Si la Chine exporte bien plus, elle importe aussi nettement moins. L’amélioration de la qualité de leur propre production leur a permis de baisser leurs importations d’armes de 25 %. Une mauvaise nouvelle pour la France qui est, derrière la Russie, le deuxième fournisseur de matériel militaire de Pékin.