Bachar al-Assad vise toujours la reconquête de la totalité de la Syrie, et se dit prêt pour cela à de "longs" combats. Des propos qui risquent de fragiliser la mise en œuvre du cessez-le-feu négocié à Munich par Moscou et Washington.
Bachar al-Assad vise toujours la reconquête totale de la Syrie. C'est ce qu'a affirmé le président syrien dans un entretien accordé à l'AFP le 11 février, quelques heures avant l'annonce de l'accord en vue d'une cessation des hostilités négocié à Munich par les États-Unis, la Russie et leurs alliés.
Dans son interview, l'homme fort de Damas a souligné sa détermination. "Depuis le début de la crise, nous croyons totalement aux négociations et à l'action politique. Cependant, négocier ne signifie pas qu'on arrête de combattre le terrorisme", a-t-il déclaré, ajoutant que le combat contre les rebelles pouvait être "long".
Le pouvoir de Damas qualifie de "terroristes" tous ses opposants armés, qu'ils appartiennent à une tendance modérée ou à la mouvance jihadiste.
Il s'agit de la première interview de Bachar al-Assad à un média depuis l'échec le mois dernier des pourparlers de Genève et le lancement par son armée au début du mois d'une vaste offensive dans la région d'Alep (nord) appuyée par les bombardements de l'aviation russe.
Difficultés pour mettre en oeuvre la trêve
La position de Damas pourrait toutefois fragiliser la mise en œuvre la cessation des hostilités censée entrer en vigueur d'ici une semaine. Si elle se confirmait sur le terrain, cette trêve constituerait un premier pas concret pour faire taire les armes dans cette guerre qui a fait 260 000 morts depuis 2011 et poussé des millions de personnes à l'exil.
Réagissant aux propos tenus par le président Assad dans l'interview, le département d'État américain a répété que pour Washington, aucune solution militaire n'était possible. Bachar al-Assad "se fait des illusions s'il pense qu'il y a une solution militaire au conflit en Syrie", a déclaré le porte-parole adjoint du département d'État, Mark Toner. "Tout ce à quoi nous pouvons nous attendre si le régime syrien continue à combattre, c'est plus d'effusion de sang, plus de souffrances, et un durcissement supplémentaire des positions des deux côtés", a estimé le porte-parole.
De leurs côté les rebelles ne semble pas non plus prêts à déposer les armes. Fatma Kizilboga et Sophie Nivelle-Cardinale, envoyées spéciales de France 24 en Turquie en ont rencontrés certains qui retournaient en Syrie pour se battre, juste après l'annonce de l'accord. "Ils nous demandent d'arrêter de nous battre d'ici une semaine, et pendant ce temps, combien d'enfants, combien d'innocents vont-ils continuer à tuer ? Nous nous battons avec des fusils et régime utilise des tanks et des frappes aériennes contre nous. Je suis sûr qu'il y a quelque chose contre les Syriens derrière cette trêve", s'indigne un rebelle.
Le secrétaire d'État américain John Kerry a déclaré qu'il ne se faisait pas d'"illusions" et réalisait la difficulté de faire mettre en œuvre cette trêve par les rebelles et par les forces gouvernementales syriennes.
La coalition et la Russie vont continuer leurs frappes
La trêve négociée à Munich concerne toutes les parties au conflit sauf l'EI et le Front Al-Nosra (branche locale d'Al-Qaïda), contre lesquels pourront donc se poursuivre les bombardements occidentaux et russes.
Un porte-parole du Pentagone a confirmé vendredi que les opérations de la coalition anti-EI dirigée par les États-Unis "vont continuer" inchangées.
L'urgence d'un accord de cessez-le-feu a notamment été accélérée par la violente offensive du régime et dela Russie dans la province d'Alep. Cette opération, qui vise selon le régime à "couper la route" d'approvisionnement des rebelles depuis la Turquie, a poussé des dizaines de milliers de Syriens à fuir les combats, suscitant l'inquiétude internationale face à un nouveau drame humanitaire.
Les Occidentaux reprochent depuis des mois à la Russie, principal soutien de Bachar al-Assad avec l'Iran, de frapper sans discrimination aussi bien les groupes extrémistes que les rebelles modérés susceptibles d'être des partenaires de négociations. Ils craignent que cela ne continue malgré l'accord de Munich.
"Nous continuerons, de même que la coalition conduite par les États-Unis, à combattre" les groupes "terroristes", a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui s’est montré pessimiste, samedi, concernant les chances, symboliquement évaluées à "49 %", de voir l’accord international appliqué d’ici une semaine.
Avec AFP