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Primaires démocrates : les déçus du système se mobilisent pour Bernie Sanders

envoyée spéciale à Richmond en Virginie – Aux États-Unis, l'outsider des primaires démocrates Bernie Sanders a réussi à faire entendre sa voix face à la machine électorale de Hillary Clinton, notamment auprès des jeunes. Reportage dans l'un de ses QG en Virginie.

"Faites du porte-à-porte, parlez à vos voisins, à vos amis : c’est comme ça qu’on fera élire Sanders !" Peter Clerkin, le directeur de campagne du sénateur démocrate Bernie Sanders en Virginie, 35 ans, motive ses troupes. Ils sont un peu plus d’une cinquantaine à s’être réunis, jeudi 4 février, dans cette salle municipale de Richmond, en Virginie, pour l’inauguration d’un nouveau QG. Son discours est interrompu par le slogan de campagne de Sanders "Feel the Bern !", les applaudissements fusent. L’ambiance est électrique.

Le candidat est devenu en peu de temps la nouvelle idole des "milléniaux" démocrates - lors de la primaire dans l’Iowa, il a engrangé 84 % des suffrages de ces jeunes électeurs - et d’une partie de la classe moyenne blanche. Mais ce jour-là, ce sont des personnes de tout âge et d’origines diverses qui sont venues dans ce QG soutenir Bernie Sanders. Et pour la plupart d'entre eux, c'est la première fois qu'ils s'impliquent en politique.

Des Américains déçus du système

Fatigués du système en place, les partisans de Sanders partagent le même enthousiasme pour ce candidat qui promet de relancer l’économie, démanteler les banques, mettre fin à la collusion entre les hommes politiques et le monde de la finance, fournir une couverture santé universelle ou encore rendre abordable la scolarité universitaire. Autant de raisons de voter Sanders que listent Marta Powers et son mari sur le tableau de ce nouveau QG.

Comme des millions d’Américains, Marta a deux emplois : comptable dans un cabinet d’architecture et couturière. "Il y a tellement de gens comme nous qui ont travaillé toute leur vie et qui sont loin du rêve américain. On se rapproche de la retraite et les choses n’ont fait que s’empirer, on a peur de ne pas pouvoir vieillir avec dignité." Son mari, David, qui travaille dans une usine, renchérit : "Nous avons des enfants, nous aimerions avoir confiance dans le futur".

>> À lire sur France 24 : Bernie Sanders, la seconde jeunesse d'un "socialiste fumeur de haschich"

Jessica, 31 ans, se dit "fan" de Sanders : "Il est très honnête, il est du côté du peuple". La jeune femme, qui se déplace avec une canne après avoir subi une chirurgie de la colonne vertébrale, ne peut pas payer certains médicaments. Comme beaucoup ce soir-là, elle fait ses débuts en tant que militante politique : "Je n’avais aucune confiance dans les politiciens jusqu’à Bernie Sanders".

Un outsider face à la machine Clinton

La plupart des militants rencontrés dans ce QG décrivent le sénateur démocrate comme un homme "sincère" et "passionné", constant dans ses idées depuis des dizaines d’années. Il bénéficie également des différentes affaires qui ont plombé la candidature d’Hillary Clinton, comme l'affaire des emails. L'ancienne chef de la diplomatie américaine inspire la méfiance à de nombreux démocrates et quand on lui parle d’Hillary Clinton, Randy, le petit-ami de Jessica, n’a qu’un mot à la bouche : "Menteuse !".

Dereck Toro, la quarantaine, concepteur de sites Internet, s’emporte : "Elle est corrompue. Elle fait partie de l’establishment depuis trop longtemps, elle a les mains liées aux entreprises et aux lobbies". Il admet que son candidat n’est pas aussi solide en politique étrangère que l’ancienne secrétaire d’État mais pour lui, Bernie Sanders a "un bon jugement, c’est le principal". Dereck voit déjà son candidat remporter la nomination démocrate fin juillet et, selon lui, l’opposant le plus dangereux serait le milliardaire populiste Donald Trump, un autre "outsider", à l’opposé du spectre politique.

Le défi de Sanders : convaincre les minorités

Sanders pourra-t-il aller si loin ? La question des minorités est l’un des freins à sa nomination. Hillary Clinton est très populaire auprès des Afro-Américains, notamment dans le Sud qui votera dans les prochaines semaines. Kyle Kondik, analyste politique à l’Université de Virginie affirme : "Sanders ne pourra battre Clinton sauf s'il améliore sa popularité auprès des électeurs non-blancs."

Selon Evandra Catherine, une Afro-Américaine de 33 ans membre de l’équipe de campagne, ce n’est qu’une question de temps : "Je pense que quand la communauté connaîtra l’héritage de Bernie Sanders sur le mouvement des droits civiques, ils seront convaincus. Il s’est battu pour nous".

Mais face à une candidate qui a le soutien des élites du parti démocrate, le chemin vers la nomination démocrate sera difficile pour Bernie Sanders, considéré comme trop à gauche pour gagner l’élection générale dans un pays où le mot socialiste a longtemps été tabou. Ce soir-là, en Virginie, rien ne semble pouvoir entraver l'optimisme des supporters de Sanders, dopés par l’incroyable ascension de leur candidat ces derniers mois. Le sénateur du Vermont est d'ailleurs donné largement en tête dans les sondages pour les primaires du mardi 9 février dans le New Hampshire. Celui de vendredi, établi pour NBC, The Wall Street Journal et Marist, le créditait de 58 % des intentions de vote, contre 38 % à l’ancienne secrétaire d’État.