![À Paris, un camp de Roms évacué dans le calme À Paris, un camp de Roms évacué dans le calme](/data/posts/2022/07/21/1658382639_A-Paris-un-camp-de-Roms-evacue-dans-le-calme.jpg)
Environ 80 Roms, dont de nombreuses familles, ont été évacués mercredi matin de leur bidonville installé sur une ancienne voie ferrée, dans le nord de Paris, à la demande du propriétaire du terrain, SNCF Réseau.
8 h 15, mercredi matin. Josie marche le long de la voie de chemin de fer désaffectée, dans le nord de Paris. Sous une pluie fine, un ciel lourd et un vent froid, cette Parisienne s’indigne de l’évacuation du camp de Roms qui a eu lieu le matin même, mercredi 3 février, aux aurores, en bas de chez elle. "J’habite juste à côté, j’ai entendu les tractopelles ce matin très tôt, alors je suis descendue pour regarder les policiers évacuer les gens", raconte cette quinquagénaire, "militante très socialiste", le regard posé en contrebas sur les premiers baraquements détruits. "C’est important qu’ils sachent qu’on les regarde faire, c’est important qu’ils travaillent sous notre désapprobation", ajoute-t-elle sévèrement.
L'évacuation de ce camp de 300 Roms, en plein trêve hivernale, installé sur la Petite Ceinture, entre les portes des Poissonniers et la porte de Clignancourt dans le 18e arrondissement de la capitale, a débuté vers 6 h 30. Ce n'est pas vraiment une surprise : après deux jugements du tribunal de grande instance de Paris, rendus fin 2015, la justice avait ordonné le demantèlement des baraquements qui s'étaient multipliés depuis le printemps 2015 sur un terrain appartenant à SNCF Réseau.
La préfecture de Paris, qui préfère le terme "mise à l'abri" de ces populations vulnérables, justifie surtout son action par les conditions sanitaires déplorables qui prévalent dans le camp. "[...] Les services de police ont constaté l'implantation de 135 cabanons, au fort caractère d'insalubrité et des conditions d'hygiène particulièrement alarmantes [...] laissant craindre la survenance d'un incendie", ont souligné les autorités.
"Il n’y a pas eu de cohue"
À l’arrivée des forces de l’ordre, moins de 100 personnes dormaient dans ce bidonville de bois et de tôles, surnommé "la petite jungle de Calais". "Quand la police est arrivée, il y avait environ 80 personnes dans le camp", explique Manon Fillonneau, membre du collectif RomEurope, présente sur les lieux depuis deux heures, et grelottant de froid. "Comme il y avait peu de gens, essentiellement des familles avec enfants, tout s’est déroulé dans le calme. Il n’y a pas eu de cohue", précise-t-elle.
Les autres occupants, qui savaient que l’expulsion était imminente, étaient déjà partis. Les associations estiment que la moitié des 20 000 Roms vivant en France résident en Île-de-France. Les absents du camp du 18e ont donc peut-être trouvé refuge dans des bidonvilles alentour. "D’autres sont peut-être aussi repartis en Roumanie", précise Philippe Goossens, spécialiste des Roms à la Ligue des droits de l’Homme, présent lors de l’évacuation des lieux, aux côtés d'Amnesty International ou encore Médecins du Monde. "Il n’est pas rare qu’ils rentrent provisoirement dans leur pays, pendant quelques semaines, avant de revenir en France".
Hébergements d'urgence, "et après ?"
Vers 8 h, il n’y avait plus âme qui vive dans la "petite jungle parisienne". Les policiers ont inspecté une dernière fois les lieux avant l’arrivée des bulldozers. Avant le lever du jour, les occupants du camp, leurs maigres valises sous le bras, sont tous montés dans des bus affrétés par la mairie pour se rendre dans des centres d’hébergements en Île-de-France. "Ils ont été dirigés vers Gennevilliers, Conflans-Saint-Honorine, Stains, Les Ulis, Noisy-le-Grand…", indique Philippe Goossens. "Mais que va-t-il se passer après ? C’est toujours la même histoire. Ces hébergements d’urgence les accueillent pendant une quinzaine de nuitées, et après, c’est le retour à la rue", ajoute-t-il. Manon Fillonneau, à ses côtés, ironise : "C’est toujours plus facile d'expulser plutôt que de trouver des solutions durables".
Pour Deniser, un père de famille roumain interrogé par l’AFP, le départ a été mal vécu. "Ici il y avait des rats, mais c'était mieux qu'en Roumanie", a-t-il confié avant de grimper avec femme et enfant dans un des bus. "On est Européens, pourquoi on n'a pas de droits ?"
Selon un récent rapport associatif, plus de 11 000 Roms ont été évacués de force de leurs campements en France en 2015, avec peu de solutions de relogement à la clé. L'année passée a notamment été marquée par l'évacuation, en août, du bidonville du Samaritain à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, l'un des plus anciens de France, où vivaient aussi quelque 300 personnes.
Une nouvelle expulsion injuste qui aggrave la santé et stigmatise les roms. Les pouvoirs publics irresponsables. pic.twitter.com/l3wcR1YDHw
— Médecins du Monde (@MdM_France) 3 Février 2016