
Les attentats de Ouagadougou au Burkina Faso, revendiqués par Aqmi et menés par Al-Mourabitoune, sont les premiers après l'annonce de la fusion des deux groupes. Une démonstration de force en réaction à la montée de l’EI.
Dans la lutte pour le leadership du jihad mondial, l’organisation État islamique (EI) apparaît en pole position. Conquête de larges pans de territoire en Irak et en Syrie, attaques spectaculaires et grande attention médiatique... l’organisation est parvenue en peu de temps à attirer dans ses rangs d’importants groupes terroristes, tels que Boko Haram au Nigeria. Pourtant, en Afrique, la mouvance jihadiste internationale a de la concurrence.
Vendredi 15 janvier, la sanglante attaque de Ouagadougou, au Burkina Faso, qui a duré 12 heures, a été revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, une branche d'Al-Qaïda). Une attaque aux allures de coup de communication pour l’organisation, qui démontre ainsi de manière sinistre sa présence sur le continent africain, en dehors des limites du Maghreb, territoire d'Aqmi.
"Aqmi veut imposer sa puissance face aux forces occidentales et à la montée de l’EI", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes, évoquant une "surenchère".
#Libye on remarque ds la dernière vid #AlAndalous #AQMI #AlQaeda l'usage d'images d'#AnsarAlChariaa ce qui officialise le lien entre les 2
— Wassim Nasr (@SimNasr) 14 Janvier 2016Sur le terrain, l’EI et Al-Qaïda adoptent des stratégies différentes. Alors que l’EI vise à s’implanter territorialement, comme en Libye ou au Nigeria avec l’aide de Boko Haram, Al-Qaïda développe une action principalement anti-occidentale. "Le mal pour Aqmi, c’est plus les Occidentaux que les régimes locaux", explique Wassim Nasr. L’hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino, attaqués vendredi dans la capitale burkinabè, étaient ainsi des lieux très fréquentés par les étrangers : six Canadiens, deux Français, deux Suisses et un Américain ont été tués dans l’assaut des terroristes.
"Al-Qaïda a révisé sa stratégie"
Ces attentats revendiqués par Al-Qaïda n’auraient cependant pas pu être perpétrés sans l’aide, sur le terrain, des combattants d’Al-Mourabitoune, le groupe du chef jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar. L’attaque est d’ailleurs la concrétisation de la fusion, le 4 décembre 2015, entre ces deux groupes.
"Al-Mourabitoune est maintenant une unité d’Aqmi", explique Wassim Nasr. L’attaque contre l’hôtel Radisson de Bamako, au Mali en novembre 2015, était déjà une opération commune aux deux formations, rappelle ce spécialiste des questions jihadistes.
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Le rapprochement des deux groupes représente un revirement dans les relations tumultueuses entre Mokhtar Belmokhtar et la célèbre organisation terroriste, et s’apparente à une alliance de raison face à l’avancée de l’EI. En octobre 2012, Mokhtar Belmokhtar, alors cadre d’Aqmi, avait été destitué de l’organisation pour insubordination et, désireux d’élargir ses activités au sud du Maghreb, avait créé sa propre unité combattante, les "Signataires par le sang". Quelques années plus tard, toutefois, il a reconsidéré sa position vis-à-vis d’Al-Qaïda face à l’avancée de l’EI. En mai 2015, l’un des piliers d’Al-Mourabitoune a en effet fait défection pour rejoindre les rangs de Daech (autre nom en arabe de l’EI), amputant le groupe d’une partie - indéterminée - de ses membres. Trois mois plus tard, un avis de recherche était diffusé par la section libyenne de l’EI pour "éliminer" Mokhtar Belmokhtar.
Quant à Al-Qaïda, l’organisation a tout bonnement révisé sa stratégie, démontre Wassim Nasr. "L’organisation voulait auparavant se concentrer sur le Sahel et l’Afrique du Nord. C’était un rêve de Belmokhtar de faire une expansion vers le Sud", estime Wassim Nasr. "Le fait que l’opération à Ouagadougou soit revendiquée par Al-Qaïda démontre que l’organisation a accepté cette expansion. Cette décision s’inscrit bien-sûr dans le cadre d’une lutte d’influence avec d’autres groupes qui s’avèrent de plus en plus puissants, à savoir l’EI."