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Revendiquant une majorité des deux tiers au Parlement vénézuélien, l'opposition a défié le pouvoir en investissant mercredi trois députés anti-chavistes suspendus par la justice. Elle dispose désormais de larges prérogatives.

Le bras de fer se durcit entre gouvernement chaviste et opposition de droite. Désormais majoritaire au Parlement vénézuélien, l'opposition a défié le pouvoir en investissant mercredi 6 décembre les trois députés anti-chavistes suspendus par la justice. Ces nouvelles investitures lui permettent de revendiquer désormais la majorité des deux tiers qui lui confère de larges pouvoirs.

Avec 112 sièges sur 167, l'opposition passe de la majorité des trois cinquièmes à celle des deux tiers, avec laquelle elle peut convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire chasser le président Nicolas Maduro du pouvoir via une réduction de la durée de son mandat. L'opposition s'est donné "six mois" pour faire partir le président de manière constitutionnelle.

Nicolas Maduro, qui avait demandé la démission de ses ministres deux jours après la défaite de son parti aux élections du 6 décembre, a réagit en nommant un nouveau gouvernement afin d’affronter cette "nouvelle étape de la révolution" face à un "Parlement bourgeois" selon ses propres termes. Cette équipe devra résoudre la "grave situation économique" et conduire le processus de "rectification et de relance" du chavisme, a-t-il estimé.

Des représentations de Hugo Chavez décrochées

La composition du gouvernement montre que le président Maduro parie sur une ligne très à gauche en matière économique, en nommant l'économiste et sociologue Luis Salas comme ministre de l'Économie productive. Luis Salas défend, comme Maduro, la théorie selon laquelle une "guerre économique" est conduite par l'opposition et les milieux d'affaires pour provoquer les graves pénuries dont souffre le pays et déstabiliser le gouvernement.

Le président vénézuélien a par ailleurs exprimé son "indignation" face à la décision de la nouvelle majorité de retirer du Parlement toutes les représentations de Hugo Chavez, et certaines du héros de l'indépendance latino-américaine Simon Bolivar. Il a appelé à "se rebeller face à ces manifestations néofascistes, antibolivariennes, antipatriotiques, antinationalistes".

Crise institutionnelle

Mercredi, la nouvelle Assemblée nationale avait ouvert ses travaux avec l'investiture des trois nouveaux députés de l'opposition, en dépit de la suspension de leur élection par le Tribunal suprême de justice (TSJ). Le chef de file des députés chavistes et numéro deux du régime, Diosdado Cabello, a pourtant refusé de les reconnaître et annoncé un recours devant le TSJ.

"Nous nous retrouvons avec une crise institutionnelle en moins de 24 heures [...]. Ce qui sera voté en présence de ces députés sera considéré comme nul", a estimé un député chaviste, Elias Jaua.

Le TSJ, la plus haute autorité judiciaire du pays, sera un acteur clé de la bataille institutionnelle qui s'ouvre entre le Parlement d'opposition et le pouvoir chaviste en place, estiment les analystes. Or, l'opposition estime que le TSJ est acquis au chavisme, qui y a nommé de nouveaux juges fin décembre.

Au Venezuela, le chavisme demeure puissant malgré sa défaite aux élections législatives car il concentre tous les pouvoirs exécutif, militaire et judiciaire.

Les élections législatives de décembre ont vu la victoire écrasante de la coalition d'opposition, réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD) et allant de la gauche modérée à la droite dure. Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), hégémonique depuis 1999, ne compte plus que 55 députés.

Avec AFP