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Vidéo : Le spectre de la famine plane sur le Soudan du Sud

Les habitants de Leer, dans le nord du Soudan du Sud, ont vu arriver le premier convoi humanitaire depuis cinq mois. La région est dévastée par le conflit qui oppose depuis deux ans l'armée du président Salva Kiir à la rébellion de Riek Machar.

"Je me cache dans les marais […] On doit rester tout le temps dans l’eau. Si on sort, ils peuvent nous tirer dessus et là, on est morts. La nuit, on peut enfin sortir de l’eau et chercher des fruits dans les arbres". Le témoignage de Thomas Riek Makuei, un homme originaire de la région de Leer, une ville du nord du Soudan du Sud frappée de plein fouet par la guerre civile, est glaçant. À l’instar de nombreux habitants, l’homme a dû fuir son domicile pour échapper aux combats et aux atrocités. Son seul refuge : l’eau saumâtre des marécages dans laquelle il s'immerge des heures durant jusqu’en haut de la poitrine. Sa nourriture : des racines, de nénuphars et des fruits de palme qu’il cueille dans les arbres.

Ces derniers jours, Thomas Riek Makuei et ses compagnons d’infortune ont pu sortir de la zone marécageuse pour rejoindre Leer où un convoi humanitaire a pu se frayer un chemin, pour la première fois depuis cinq mois. Les ONG ont dû quitter la ville cet été face à la violence des combats. "Notre quartier général, nos dépôts et nos véhicules ont été endommagés. C’est compliqué de mener des opérations", explique au micro de France 24 Daniel Littlejohn-Carillon, membre du Comité international de la Croix-Rouge. Réussir à y faire parvenir des convois d’aide humanitaire tient presque du miracle.

L’ONG a choisi de distribuer des rations plus petites que d’habitude pour ne pas attirer la convoitise des combattants sur les habitants, déjà traumatisés par les exactions dont se rendent coupables les deux camps – massacres, enlèvements, viols, mutilations…

La région de Leer offre depuis deux ans un paysage de désolation. Les champs ont été détruits, certains villages rasés, les récoltes détruites, les marchés pillés et les élevages décimés… Certains accusent l’armée de pratiquer la politique de la terre brûlée sur la terre d’origine du chef de la rébellion Riek Machar.

La famine et la maladie menacent

La famine a été évitée de peu dans le pays en 2014, mais les organisations humanitaires ont de nouveau tiré la sonnette d’alarme cette année. Les seuils techniques marquant l’état de famine ne sont pas encore franchis, même si le Nord et l’Est, principaux champs de bataille, en sont aujourd’hui très proches. La faim, entièrement imputable au conflit et non à des phénomènes climatiques, est néanmoins quotidienne, d’autant que depuis deux ans, 2,2 millions de personnes ont été chassées de chez elles.

Les deux-tiers des 12 millions d’habitants du Soudan du Sud, le plus jeune pays du monde, ont besoin d’aide, qu’elle soit alimentaire, sécuritaire ou médicale – le spectre d’une épidémie de choléra plane de nouveau. Les services de santé, déjà extrêmement rudimentaires avant la guerre civile, sont désormais en ruines. Les installations de plusieurs organisations humanitaires, dont Médecins sans Frontières, ont été attaquées et pillées dans certaines zones.

Depuis deux ans, le Soudan du Sud, né en 2011 sur les décombres de décennies de guerre d’indépendance contre Khartoum, a replongé dans un conflit civil aux racines politico-ethniques. Les combats ont éclaté dans la capitale, Juba, le 15 décembre 2013 entre des unités rivales de l’armée sud-soudanaise, alimentée par des dissensions entre le président Salva Kiir (de l’ethnie Dinka) et son ancien vice-président Riek Machar (ethnie Nuer). Le conflit s’est rapidement propagé à l’ensemble du pays. Malgré des accords de paix signés le 26 août 2015, les combats n’ont jamais vraiment cessé.

Avec AFP