
Rien ne prouve, à ce jour, que la PlayStation 4 ait joué un rôle dans la préparation des attaques à Paris malgré des rumeurs persistantes à ce sujet. En revanche, d'autres services de messagerie sont notoirement utilisés par les jihadistes.
Des terroristes en train de discuter à distance des détails des attentats parisiens, perpétrés le 13 novembre, en jouant à des jeux vidéo sur la PlayStation 4 : l'image nourrit l’imaginaire du grand public depuis près de trois jours. Par ailleurs, plusieurs médias ont évoqué la possibilité que les auteurs des attaques meurtrières dans la capitale française aient utilisé des outils de communication de la console de Sony pour préparer leur opération sanglante.
Les systèmes de messagerie instantanée intégrés à la plupart des jeux en ligne, la possibilité de discuter à distance grâce à un casque micro ou encore certains ordres (en avant, regroupez-vous) que l’on peut donner via un jeu grâce à une simple pression le GamePad seraient autant de moyens de communication plus difficiles à surveiller qu’un appel téléphonique.
Le ministre belge et la PS4
Telle est la thèse qui se répand au fil du Web depuis la publication d’un article sur le site du magazine économique américain Forbes intitulé “Comment les terroristes des attentats de Paris ont pu utiliser la PS4 pour planifier leurs attaques”. L’auteur cite notamment le ministre belge de l’Intérieur, Jan Jambon, qui a soulevé la difficulté de “déchiffrer les communications qui passent via la PlayStation 4”. Une rumeur a ensuite circulé indiquant qu’une PS4 aurait été saisie lors d’une perquisition menée en Belgique. Ce mélange d’informations offrait une recette médiatique trop séduisante pour passer inaperçu.
Sony l’a bien compris et a publié un communiqué lundi 16 novembre indiquant que lorsque “nous identifions ou sommes informés d’agissements offensants ou illégaux, nous nous engageons à prendre les actions appropriées en relation avec les autorités compétentes”.
Mais la thèse de terroristes rivés à leur PlayStation pose quelques problèmes. Tout d'abord, les déclarations de Jan Jambon remontent au 10 novembre, soit trois jours avant les attentats de Paris. Ensuite, aucun autre média n’a ajouté d’élément tangible à cet argument, qui repose essentiellement sur les propos du ministre belge. La saisie d’une PlayStation en Belgique n’a, quant à elle, pas été confirmée.
Le concurrent russe de WhatsApp
Le lien entre les terroristes du 13 novembre et la console de Sony est donc ténu. La popularité éclair de cette théorie au pied d’argile n'est pas surprenante. La NSA s’intéresse depuis au moins 2013 aux communications via des jeux en ligne comme World of Warcraft, d’après des documents rendus publics par le lanceur d’alerte Edward Snowden. Un jeune turc de 14 ans a, pour sa part, été condamné à deux ans de prison en Autriche pour avoir téléchargé des plans permettant de fabriquer une bombe depuis sa PlayStation 4 en juin 2015.
Reste que la console n’est très probablement pas le moyen de prédilection des jihadistes liés à l’organisation terroriste de l’État islamique (EI). Les Russes ont, eux, choisi de s’intéresser de plus près à Telegram, une application de messagerie instantanée sur smartphone concurrente de WhatsApp. Développée en 2013 par le Russe Pavel Durov (par ailleurs fondateur de VKontakte, le Facebook russe), elle serait le moyen de télécommunication privilégié des membres de l’EI, d’après plusieurs députés russes qui ont appelé à son interdiction, lundi 16 novembre.
Telegram est réputée pour allier simplicité d’utilisation et sécurité des échanges. Ses créateurs ont à ce point confiance en leur progéniture numérique qu’ils offrent une récompense de 300 000 dollars à celui qui réussira à pirater ces services.
Cette messagerie a aussi l’avantage d'être performante dans des zones peu couvertes par les réseaux téléphoniques. En janvier dernier, un message de l’EI, authentifié par le réseau de surveillance des mouvements jihadiste SITE, faisait de Telegram la deuxième application la plus sûre (derrière la solution américaine Wickr) pour échapper à la surveillance des services de renseignement.
Le service russe a, depuis lors, gagné en popularité dans les rangs jihadistes au détriment de Twitter, ont noté les experts de SITE. Le service de microblogging et Facebook seraient essentiellement utilisés pour attirer de nouvelles recrues, tandis que Telegram serait privilégié pour organiser les détails des opérations du groupe. Preuve de la confiance accordée à cette application : les revendications officielles des attentats de Paris et du crash de l’avion russe en Égypte, le 31 octobre, ont été faites sur une chaîne Telegram (similaire à un fil Twitter) de l’État islamique.
Mais s’intéresser à la sécurité des communications sur Telegram, Wickr ou d’autres applications qui vantent la confidentialité des échanges est médiatiquement moins porteur que de pointer du doigt l’univers du jeu vidéo.