
Le secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des affaires humanitaires craint qu'on ne puisse "jamais savoir" le nombre de victimes du conflit au Sri Lanka, contestant ainsi le chiffre de 20 000 morts avancé par des médias.
Reuters - On ne saura sans doute jamais combien de civils ont péri dans l'ultime bataille de la guerre civile au Sri Lanka, déclare John Holmes, secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des affaires humanitaires.
Dans une interview accordée vendredi à l'agence Reuters, il défend également le secrétariat général des Nations unies face aux critiques apparues ces derniers jours dans plusieurs médias, dont le Times à Londres et Le Monde à Paris qui ont reproché à l'Onu d'avoir passé sous silence certaines informations.
Selon ces deux journaux, Vijay Nambiar, chef de cabinet du secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a été informé que le bilan civil dépasserait probablement 20.000 morts.
Le gouvernement sri-lankais a proclamé le 18 mai dernier la victoire sur les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) au terme de vingt-cinq ans d'une guerre dont l'Onu estime qu'elle a fait au total entre 80.000 et 100.000 morts.
Les pertes civiles se sont nettement accentuées dans les derniers mois du conflit contre les séparatistes tamouls, qui s'étaient retranchés sur une étroite bande de sable sur la côte nord-est de l'île au milieu de plusieurs centaines de milliers d'habitants.
Fin avril, un bilan de 7.000 morts avancé à l'Onu a fuité dans la presse. John Holmes, qui souligne que ce bilan est officieux, et non vérifié, en conteste l'extrapolation qui a conduit le Times de Londres, citant une source à l'Onu, ou Le Monde, à Paris, à estimer que le bilan final "dépasserait sans doute les 20.000 morts".
"Ce chiffre n'a pour ce qui nous concerne aucun statut. Il peut être juste, il peut être faux, il peut être bien trop élevé, il pourrait même être sous-évalué, mais honnêtement, nous n'en savons rien. Nous avons toujours indiqué qu'une investigation serait une bonne idée", dit Holmes.
"L'AMERTUME" DE JOHN HOLMES
Revenant sur l'estimation des 7.000 morts fin avril, jamais endossée officiellement par les Nations unies, le secrétaire général adjoint explique qu'il s'agit d'"une estimation fondée sur les meilleures informations dont nous disposions, mais que ces informations n'étaient pas très bonnes parce que nous n'étions pas véritablement présents de manière systématique dans la zone des combats".
"C'est pourquoi nous les avons pas publiés", ajoute-t-il, avant de dire qu'il n'y aura sans doute jamais de bilan fiable des combats qui se sont déroulés dans les derniers temps de la guerre.
"Je crains que nous ne puissions jamais le savoir", déclare-t-il. Mais il ne fait aucun doute que "plusieurs milliers" de civils ont péri dans le siège des derniers combattants Tigres par l'armée sri-lankaise, ajoute-t-il.
Durant cette période, John Holmes a plusieurs fois critiqué la décision du gouvernement de bombarder un secteur où des populations civiles étaient prises au piège, avertissant que cette stratégie risquait de conduire à un "bain de sang".
Il a aussi dénoncé le traitement des civils par les LTTE, accusant les séparatistes tamouls d'en faire des "boucliers humains".
Les deux belligérants ont rejeté ces accusations. Et le Conseil des droits de l'homme de l'Onu a décidé cette semaine de
ne pas enquêter sur les victimes civiles de la guerre, une décision qui a causé la déception d'associations de défense des droits de l'homme.
"Bien qu'elle ait disposé d'éléments accablants sur la conduite de l'armée sri-lankaise, la hiérarchie de l'ONU a, selon une enquête du Monde, gardé le silence, de peur de compromettre ses activités dans ce pays (...) au risque de faillir à son devoir envers des centaines de milliers de civils en danger", écrivait Le Monde dans son édition datée de vendredi.
Dans un éditorial, The Times estime lui que "l'Onu n'avait pas le droit à la connivence en dissimulant les preuves choquantes" d'un massacre orchestré par le gouvernement.
"Si des diplomates et de hauts responsables de l'Onu sont trop timides pour dénoncer les atrocités au moment où elles se déroulent, quel espoir reste-t-il d'éviter de futurs entreprises d'extermination ?", s'interroge le journal britannique samedi sur son site internet.
"J'éprouve de l'amertume face à ces accusations de connivence avec le gouvernement ou d'attention insuffisante", réplique John Holmes. "C'est nous qui avons attiré l'attention sur le problème quand les médias ne s'y intéressaient pas beaucoup il y a plusieurs mois de cela."