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Guerre commerciale : les terres rares, une redoutable arme chinoise face à Trump et l’UE
Néodyme, praséodyme, dysprosium… Malgré leur nom, les terres rares sont des métaux assez répandus, mais leur extraction et raffinage, dominés par la Chine, font de Pékin un acteur clé de leur chaîne d’approvisionnement mondiale. Indispensables à la fabrication d’aimants permanents utilisés dans les technologies de pointe, ces métaux offrent désormais à la Chine un levier stratégique face aux États-Unis et à l’Europe dans la guerre commerciale qui s’intensifie.
Des ouvriers transportent de la terre contenant des métaux rares destinés à l'exportation dans un port de Lianyungang, province du Jiangsu, Chine, le 31 octobre 2010. © Reuters

La rencontre à venir entre le dirigeant chinois Xi Jinping et le président américain Donald Trump, en marge d’un sommet en Corée du Sud jeudi, en dépendait. Dimanche 26 octobre, le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent a annoncé, avec un grand soulagement, avoir décroché une "trame significative" d’accord avec Pékin. En échange du report des restrictions à l’exportation de terres rares et de la reprise de l’achat de soja à Washington, la Chine évite l’imposition de 100 % de droits de douane additionnels prévus à partir du 1er novembre en cas d’échec des négociations.

Depuis le retour du républicain à la Maison Blanche et, avec lui, d’une guerre commerciale ouverte avec la Chine, il s’agit d’un premier signe important de détente entre les deux pays, qui pourrait ouvrir la voie à un "accord plus global" entre Pékin et Washington, si l’on en croit les dernières déclarations de Donald Trump.

En coulisses, Xi Jinping a en réalité forcé la main du milliardaire républicain en utilisant une arme discrète, mais redoutable : le monopole dont dispose son pays sur l’exploitation de terres rares. 

Ces métaux, abondants dans la croûte terrestre, sont utilisés comme aimants dans les moteurs des éoliennes (néodyme, dysprosium), les batteries (lanthanum) ou encore les catalyseurs automobiles (cérium). On en trouve aussi dans la plupart des écrans du quotidien comme nos télévisions, nos smartphones et nos ordinateurs. Plus stratégique encore : ils sont omniprésents dans l’industrie de la défense, puisqu'ils sont indispensables à la fabrication de missiles, de radars et de moteurs d’avions. 

Un monopole aux accents de plus en plus politiques

Or la Chine produit aujourd’hui environ 60 % des terres rares extraites dans le monde et contrôle près de 90 % de leur raffinage. "À l’origine, il n’y avait pas nécessairement de volonté de monopole : la Chine s’est rendu compte il y a une quinzaine d’années qu’elle aurait des besoins colossaux en terres rares pour son développement technologique et que les ressources présentes sur son sol ne lui suffiraient pas", explique Camille Brugier, chercheuse spécialisée sur les politiques commerciales chinoises. "Elle a alors commencé à se structurer, puis est partie dans d’autres pays pour exploiter des mines au Brésil ou au Venezuela", poursuit-elle. "Elle possède donc beaucoup de maillons de la chaîne, mais ce qui est nouveau, c’est l’utilisation de cette position stratégique comme un outil de puissance."

Le 9 octobre dernier, la Chine annonçait ainsi mettre en place un contrôle systématique sur les exportations de technologies liées aux métaux rares. "Toutes les exportations de terres rares sont désormais soumises à licence : un avionneur va ainsi devoir demander une autorisation au ministère du Commerce chinois pour s’approvisionner", résume Camille Brugier. 

Un coup de pression qu’a peu goûté la présidente de la Commission européenne. Les pays européens, contrairement aux États-Unis, ne sont pas parvenus pour le moment à esquiver ces licences. Samedi dernier, Ursula von der Leyen a fait poindre la menace de mesures de rétorsion contre la Chine et s’est dite prête à utiliser tous les moyens à sa disposition pour débloquer la situation, comme d’éventuelles contraintes à l’exportation et un blocage de l’accès aux précieux marchés publics européens. 

"Les Chinois sont parvenus à casser totalement les prix, à tel point qu’il est aujourd’hui insensé économiquement de ne pas passer par eux pour se fournir en terres rares, décrypte Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la diplomatie chinoise. Les Américains avaient tenté de rouvrir une mine mais, face aux coûts de raffinage, c’était plus intéressant d’envoyer les métaux rares en Chine pour les traiter."

L’UE cherche des alternatives d’approvisionnement

L’Europe tente tant bien que mal de trouver des alternatives. Ursula von der Leyen évoquait lundi l’élaboration d’un "plan concret" pour les minerais critiques avant la fin de l’année afin de limiter cette dépendance à la Chine. Dénommé "RESourceEU", il prévoit, entre autres, les renforcements des liens commerciaux avec de potentiels pays exportateurs comme l’Australie, le Canada, le Kazakhstan, le Groenland, l’Ouzbékistan, le Chili ou l’Ukraine.

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Guerre commerciale : les terres rares, une redoutable arme chinoise face à Trump et l’UE
L'info éco. © France 24
04:12

"Après un répit de quelques années, les entreprises européennes font face à nouveau à une forte pression et il y a un sentiment d’urgence à trouver d'autres canaux d'approvisionnement", commente la politologue Valérie Niquet. “L’exploitation de métaux rares n’est pas très complexe d’un point de vue technologique mais elle a un coût économique et environnemental non négligeable, poursuit-elle. Ces industries sont très polluantes, ce qui pose un problème d’acceptation, en Europe notamment – et qui explique l’intérêt pour des pays tiers ayant une main-d’œuvre moins couteuse, qui pourraient y trouver un intérêt économique et où les oppositions ont plus de mal à s’exprimer."

Le plus grand gisement de terres rares d’Europe connu a pourtant été identifié en juin 2024 dans le sud-est de la Norvège. D’un potentiel de 8,8 millions de tonnes, il pourrait être un levier de taille pour la transition énergétique du continent et permettre une moins grande dépendance à la Chine. Mais son extraction reste à l’heure actuelle très polluante et suspendue à une acceptabilité fragile. Face à la pression de l'opinion publique, Oslo avait ainsi abandonné en décembre dernier un projet d'extraction minière des grands fonds marins.