Quelque 54 millions d'électeurs ont commencé dimanche à voter pour des élections législatives cruciales dans une Turquie sous tension. Près de 400 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour assurer la sécurité, notamment dans le sud-est turc.
Les Turcs ont commencé à voter dimanche 1er novembre pour une deuxième élection législative en cinq mois, qui se déroule dans un pays divisé et sous tension. Dès l'ouverture des premiers bureaux de vote à 7h, heures locales, dans toute la moitié est du pays, les quelque 54 millions d'électeurs inscrits se sont déplacés en masse, avec l'espoir de mettre un terme à l'instabilité et à la violence qui règnent dans leur pays depuis l'été.
La Turquie est confrontée depuis quelques mois à la reprise du conflit kurde, la violence jihadiste venue de Syrie, et la dérive autoritaire de son gouvernement.
"Il faut un changement pour que notre pays puisse reprendre son souffle. La Turquie est devenue ingouvernable", a souhaité Ibrahim, 34 ans, qui a glissé son bulletin dans l'urne dès l'aube dans le district de Cankaya à Ankara, un fief de l'opposition.
L’AKP à 43 % dans les sondages
Seul au pouvoir depuis treize ans, d'abord comme Permier ministre, le président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, espère prendre sa revanche sur le scrutin du 7 juin, où son parti avait essuyé un revers retentissant en perdant la majorité absolue qu'il détenait au Parlement. Son Parti de la justice et du développement (AKP) était arrivé en tête avec 40,6 % des suffrages, mais n'avait raflé que 258 sièges de députés sur 550, enterrant provisoirement son rêve de "superprésidence" aux prérogatives renforcées. Les sondages créditent cette fois l'AKP de 40 % à 43 % des intentions de vote, un score toujours insuffisant pour gouverner seul.
"Dimanche est un tournant pour notre pays", a averti Erdogan. "Si notre peuple se prononce pour le gouvernement d'un seul parti, alors la stabilité pourra continuer", a-t-il ajouté, "après ça, j'espère que la 'nouvelle Turquie' ne revivra pas les difficultés qu'elle a connues au cours des cinq derniers mois". Ses rivaux, quant à eux, ont dénoncé en retour sa dérive autoritaire, illustrée cette semaine encore par un raid spectaculaire de la police sur deux chaînes de télévision proches de l'opposition.
"L'AKP a transformé ce pays en champ de ruines", a estimé Selim, ingénieur de 55 ans rencontré devant un bureau de vote, faisant la queue devant un bureau à Ankara, installé dans un lycée récemment transformé en école religieuse. "Ca suffit !" a ajouté cet électeur turc.
Vote sous haute protection
En juillet, le conflit armé qui oppose depuis 1984 les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces de sécurité turques a repris dans le sud-est à majorité kurde du pays, et enterré le fragile processus de paix engagé il y a trois ans. La guerre qui sévit depuis quatre ans en Syrie a également rattrapé la Turquie. Après celui de Suruç (sud) en juillet, un attentat suicide perpétré par deux militants du groupe jihadiste Etat islamique (EI) a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara.
A Diyarbakir, la "capitale" kurde de Turquie, les électeurs sont venus voter très tôt et en masse, sous forte protection policière. "Tout ce que je veux, c'est la paix et la fraternité. On a trop souffert ces derniers temps", confiait Mahmut, un partisan du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) venu voter dans le district de Sur, théâtre récemment de violents affrontements entre des jeunes armés proches du PKK et la police.
Près de 400 000 policiers et gendarmes sont mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin, notamment dans le sud-est. Les premières tendances du vote seront connues en début de soirée.
Dans ce contexte de polarisation extrême, les analystes politiques doutent des résultats des nouvelles discussions de coalition qui s'annoncent et anticipent déjà, en cas d'échec, un nouveau scrutin dès le printemps prochain.
Avec AFP et Reuters