Des heurts ont éclaté, mardi, dans la capitale du Congo entre forces de l'ordre et opposants au référendum. Un scrutin qui pourrait permettre au président Nguesso de se maintenir au pouvoir. Analyse de la situation avec un responsable de la FIDH.
La situation se tend à Brazzaville, où le pouvoir semble décidé à museler l’opposition au président Sassou Nguesso. Bien qu’interdits par les autorités, des rassemblements ont bien eu lieu, mardi 20 octobre, dans la capitale, avant de rapidement dégénérer. Il y a plusieurs blessés dans les rangs des manifestants, selon des témoins contactés par France 24. Des sources hospitalières, citées par les agences Reuters et AFP, font état de blessés par balles, laissant entendre que les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles. Sur l'antenne de France 24, le ministre congolais de la Communication, Thierry Moungalla, a démenti tout incident : "À ce stade, il n’y a aucun événement qui matérialiserait une insurrection ou de manifestation de grande ampleur. Nous n’avons aucune connaissance de décès consécutifs aux échauffourées du matin."
Entretien avec Florent Geel, responsable du bureau Afrique de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme).
France 24 : Quelle est actuellement la situation au Congo-Brazzaville ?
Florent Geel : La situation est grave. Les mails que j’ai pu envoyer ces dernières heures sont restés sans réponses. Le signal radio de RFI a été coupé et, selon certaines sources que j’ai tout de même pu contacter, des grenades lacrymogènes ont été tirées pour disperser les rassemblements. Certains témoins ont également vu des policiers tirer à balles réelles pour disperser les manifestants.
Le pouvoir est-il train de changer ?
Les Congolais sont au bout d’un cycle, ils veulent changer d’ère. Le peuple congolais voit des transitions démocratiques s’opérer avec succès dans d’autres pays africains. Alors il se dit légitimement, "pourquoi pas nous ?" Le président Denis Sassou Nguesso pensait certainement que le choix du référendum [prévu le 25 octobre, NDLR] lui permettrait de conserver le pouvoir par la voie démocratique. Les manifestations de l’opposition de ces derniers jours ont certainement dû le surprendre car il ne devait pas penser qu’après 30 années passées à la tête de l’État, un tel rapport de force ce serait mis en place. La répression des manifestants et les diverses restrictions des communications montrent bien que Sassou Nguesso a choisi de passer en force. Le pays s’apprête donc à vivre des temps extrêmement durs.
Reste que le changement proposé par l’opposition n’est pas forcément non plus rassurant. Celle qui s’est constituée ne semble pas toujours plus porteuse d’espoir pour la démocratie.
La communauté internationale peut elle agir ?
Florent Geel : Il faut à tout prix que la communauté internationale se saisisse dès maintenant de ce dossier. Trop souvent, les instances internationales réagissent au lieu d’anticiper. L’ONU doit rappeler au président Denis Sassou Nguesso qu’il ne peut pas modifier les règles du jeu électoral au risque de plonger son pays dans le chaos. L’organisation onusienne doit se mobiliser en aval pour éviter d’avoir à envoyer dans quelques mois des missions de la paix. Car il y a un vrai risque d’embrasement du pays et un risque de contamination dans toute la région. L’Union africaine doit elle aussi se mobiliser. Pour l’heure, on ne sait pas ce qu’elle va faire face à la manœuvre de l’actuel président. Il est à craindre que ses membres attentent un mouvement plus large pour se prononcer. L’Union africaine doit se positionner en fonction de sa charte de bonne gouvernance. Elle y est parvenue au Burkina Faso, cela peut également se faire au Congo-Brazzaville.