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Après avoir dénoncé le "silence coupable" de l'ONU envers Colombo, "Le Monde" consacre un article sur trois médecins qui, pour être restés au cœur du conflit afin de soigner les blessés, se sont attirés les foudres des autorités.

Ils ont agi en héros, mais, considérés comme des menaces par le gouvernement sri-lankais, ils sont désormais privés de liberté. Trois médecins tamouls, restés sur le front jusqu’à la fin de l’offensive de l’armée régulière contre les rebelles tamouls pour venir en aide aux blessés, ont été emprisonnés dès qu’ils ont quitté la zone de front, le 15 mai. Ils sont enfermés dans les locaux de la Criminal Investigation Division de Colombo, un centre épinglé par l’ONU en 2007 pour y pratiquer la torture de façon "routinière".

Philippe Bolopion, correspondant permanent à l’ONU et envoyé spécial au Sri Lanka, a publié dans le quotidien "Le Monde" daté du 30 mai un reportage poignant sur ces trois médecins. La veille, le journaliste avait déjà écrit un article dans lequel il dénonçait, témoignages des responsables onusiens et d’ONG à l'appui, la complaisance de l’ONU à l’égard du régime sri-lankais.

"Ces trois hommes sont à peu près les seuls à pouvoir témoigner exactement de ce qui s’est passé dans la zone des combats pendant les dix derniers jours. Si, un jour, une enquête internationale est menée pour étudier les violations des droits de l’Homme commises par les deux camps durant le conflit, ils seraient des témoins-clés", rapporte Philippe Bolopion sur FRANCE 24, chaîne pour laquelle il collabore régulièrement.

Les trois médecins se sentaient démunis

Pourtant sur place, les docteurs Varatharajah, Sathyamurthi et Shanmugarajah, "faisaient simplement leur boulot", comme en témoigne un responsable onusien en poste au Sri Lanka cité dans "Le Monde". "Les docteurs évitaient toujours les questions politiques", ajoute-t-il. Les trois hommes étaient en contact régulier par mail avec des fonctionnaires de l’ONU, des responsables sri-lankais ou des diplomates.

"Ils ont été témoins de scènes absolument atroces, témoigne Philippe Bolopion. J’ai obtenu des photos qu’ils avaient prises pendant les derniers jours [de l’offensive] et qui montrent leurs espèces d’hôpitaux itinérants […] submergées de gens blessés, qui avaient perdu des membres, des gens grièvement brûlés, des plaies absolument atroces".

Les trois hommes ne craquent pas. Malgré la violence, malgré le peu de moyens dont ils disposent, et leur sentiment d’être dépassés par le nombre de blessés, ils restent sur place. Mais dans leurs mails, ils témoignent de l’horreur de la situation des civils, bombardés "à l’arme lourde contre des civils sous des tentes en plastique, que les Tigres tamouls empêchaient de fuir et dont l’armée n’avait que faire", rapporte Philippe Bolopion dans "Le Monde".

"Aujourd’hui, aux alentours de 16 heures, l’hôpital de Mullivaikkal a été attaqué au mortier […] Neuf patients morts et quinze patients blessés", décrit, au plus fort des combats, l’un des médecins dans un mail. Leurs hôpitaux itinérants étaient régulièrement pris pour cible par l’armée régulière, rapporte un responsable international basé au Sri Lanka.

"Le gouvernement a donc tout intérêt à les faire taire, analyse le journaliste sur l’antenne de FRANCE 24. Ce sont des médecins, ils sont crédibles, ils étaient en contact avec la communauté internationale, l’ONU, les ONG pendant tout le conflit. Les gens qui connaissent bien les médecins craignent que le gouvernement ne les relâche en pleine nuit, et que quelques mètres plus loin, une camionnette ne les embarque et ne les fasse disparaître. Ce genre de choses s’est déjà produit par le passé."

Mercredi, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution particulièrement clémente à l’égard du régime sri-lankais, louant les autorités pour les mesures prises envers les déplacés.